FAUTRIER JEAN (1898-1964)
Désigné en son temps comme l'un des pionniers de l'art « informel » – courant issu de l'abstraction lyrique et mis au jour en France, en 1951, par le critique Michel Tapié –, le peintre Jean Fautrier, qui fut aussi graveur et sculpteur, exprima en plusieurs occasions sa perplexité vis-à-vis de cette allégation, allant même jusqu'à mettre en doute la réalité d'un art « informel » spécifiquement moderne. Ainsi qu'il l'écrit en 1958 : « le tourment intérieur qui secoue la peinture d'aujourd'hui n'est [...] pas neuf ». Si « les peintres d'intérieurs et de natures mortes sont ceux qu'on ne regarde plus – exception d'autrefois faite règle », selon lui, « le vrai rôle du tableau » demeure le même : « être placé sur le meuble pour remplir l'espace nu ». L'artiste précise par ailleurs : « Ce qui compte est le besoin de peindre. » Aussi Fautrier affirmait-il que vouloir scinder, comme on le fait parfois, son œuvre en deux phases, figurative puis informelle, revenait à décréter l'existence d'un point de rupture là où ne s'était jamais jouée qu'une réinvention perpétuelle « de ce qui est ».
La matérialité de la peinture
Jean Fautrier est né à Paris le 16 mai 1898 ; enfant illégitime, il est élevé par sa grand-mère. En 1908, il rejoint sa mère à Londres, puis entre, à treize ans, à la Royal Academy pour y étudier la peinture, fréquente ensuite la Slade School of Fine Art, et découvre à la Tate Gallery l'art de Turner. Après la Première Guerre mondiale, le jeune artiste se fixe à Paris et y rencontre Jeanne Castel, qui l'aide à exposer ses premières toiles en 1923, année où il produit ses premières gravures. Sa première exposition personnelle se tient à la galerie Visconti en 1924, puis, l'année suivante à la galerie Fabre. Il rencontre le marchand Léopold Zborowski, qui présente ses œuvres aux côtés de celles d'Amedeo Modigliani, de Moïse Kisling et de Chaïm Soutine. Le succès critique et commercial qu'il connaît dès 1926 ne perturbe nullement sa recherche d'un espace pictural qui ne devrait rien aux cubistes, ni aux impressionnistes. Sa production de nus, de portraits (Tyroliennes en habits du dimanche ou Promenade du dimanche, 1921-1922, musée d'Art moderne de la Ville de Paris et Portrait de ma concierge, 1922, musée des Beaux-Arts de Tourcoing) et de natures mortes, dans la première moitié des années 1920, allie une rare maturité technique à un réalisme marqué par l'exemple de Cézanne et Derain.
Enclin à l'isolement, Fautrier séjournera au Tyrol (1921), en Corse (1923), en Bretagne, dans les Causses (1925), à Port-Cros (1928) et, plus fréquemment encore, dans les Alpes, d'où il rapportera une série de paysages de glaciers et de lacs (1926-1927), dans lesquels reliefs et miroitements deviennent prétexte à des jeux d'assemblages graphiques et à des empâtements presque sculpturaux. Suivront, également remarquables, les représentations de dépouilles animales de la période dite « noire », dont fait partie le célèbre Sanglier écorché de 1927 (Musée national d'art moderne - Centre Georges-Pompidou, Paris), à propos duquel on évoqua Soutine. L'examen minutieux de la matière s'y traduit par une approche presque mimétique des granulations, épanchements et viscosités de la chair, sans toutefois que l'artiste renonce jamais au dessin, garant à ses yeux de la « forme ».
En 1928, Fautrier entreprend, à l'instigation d'André Malraux, une série de trente-quatre lithographies en couleurs destinées à illustrer l'Enfer de Dante. Leur liberté d'interprétation effraie l'éditeur Gallimard, qui les juge impubliables. À partir de 1929, l'artiste délaisse la peinture à l'huile sur toile, à laquelle il préférera progressivement[...]
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Écrit par
- Catherine VASSEUR : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Autres références
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INFORMEL ART
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- 3 496 mots
...d'objets de rebut ou de formations naturelles n'obéissant à aucun plan régulier ou symétrie – racines, éponges, etc. (on est loin de la coquille de Valéry) ; Jean Fautrier enfin (1898-1964), dont on aura fait, à tort ou à raison, le parangon de l'informel. Toutes entreprises nettement individualisées, à la différence... -
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