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FAUTRIER JEAN (1898-1964)

Des « objets » aux « originaux multiples »

Fautrier resurgit en 1945, à la galerie Drouin, avec ses Otages (1943). Témoignant de l'exécution de résistants par les nazis, cette série qui marque son abandon de tout réalisme suscite un texte d'André Malraux. Elle sera suivie, en 1956-1957, par la suite des Partisans, présentée cette fois par Francis Ponge, réaction à l'invasion de Budapest par les Soviétiques. Exaltant la matérialité de ses tableaux, Fautrier les apparente dès lors à des « objets » – ce sera le titre d'une exposition présentée en 1955 à la galerie Rive Droite à Paris –, quand bien même la référence au paysage, au nu ou aux choses demeure dans l'intitulé de ses toiles (Femme douce, 1946 ; Partisans, 1957 ; Petit Casier, 1958). Pour le peintre, en effet, « l'irréalité d'un „informel“ absolu n'apporte rien. Jeu gratuit. Aucune forme d'art ne peut donner d'émotion s'il ne s'y mêle une part de réel ». Au factice du néologisme, Fautrier oppose la pratique d'une « figuration libérée », formule également applicable à d'autres artistes alors qualifiés d'« informels », tels Wols ou Henri Michaux. Les bronzes réalisés au cours des années 1940 manifestent la même qualité tactile, la même puissance dans le traitement du matériau (Grande Tête tragique, 1942, Musée national d'art moderne - Centre Georges-Pompidou, Paris). Jean Paulhan écrit à propos de la technique de Jean Fautrier qu'il « s'est fabriqué une matière à lui, qui tient de l'aquarelle et de la fresque, de la détrempe et de la gouache, où le pastel broyé se mêle à l'huile, à l'encre et à l'essence. Le tout s'applique à la hâte sur un papier gras, qu'un enduit colle à la toile. L'ambiguïté en quelque sorte y quitte le sujet. Elle se fait peinture ».

En 1950, Fautrier met au point, avec sa compagne Jeanine Aeply, le procédé des « originaux multiples », qui permet de produire des œuvres en série à partir d'estampes rehaussées de pastel et de gouache, posant ainsi la question de la pertinence de l'originalité et de l'unicité. Ce projet, qui recouvre une démarche authentiquement expérimentale, et n'abjure en rien la singulière alchimie présidant à ses yeux à la naissance des œuvres, se heurte aux réticences du monde de l'art, qui craint de voir ainsi relativisée la valeur symbolique et financière des œuvres. En 1963, il illustre de huit lithographies les poèmes de Francis Ponge dans l'ouvrage L'Asparagus. Solitaire malgré la reconnaissance que manifeste, en 1960, le grand prix de la biennale de Venise, Fautrier poursuivra son œuvre, jusqu'à sa mort, le 21 juillet 1964 à Châtenay-Malabry – peu avant l'ouverture d'une rétrospective au musée d'Art moderne de la Ville de Paris.

— Catherine VASSEUR

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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  • INFORMEL ART

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    ...d'objets de rebut ou de formations naturelles n'obéissant à aucun plan régulier ou symétrie – racines, éponges, etc. (on est loin de la coquille de Valéry) ; Jean Fautrier enfin (1898-1964), dont on aura fait, à tort ou à raison, le parangon de l'informel. Toutes entreprises nettement individualisées, à la différence...
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    ...convient de ne pas dresser de barrières trop infranchissables entre les tendances figuratives et non figuratives de l'époque. L'œuvre d'un artiste comme Jean Fautrier (1898-1964), représentant majeur de l'art informel avec Jean Dubuffet (1901-1985), illustre bien la nécessité d'une nuance mesurée....