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FAVIER JEAN (1932-2014)

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Jean Favier - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Jean Favier

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Historien médiéviste de renom, Jean Favier a été tout à la fois un enseignant-chercheur et un responsable d'institutions culturelles dans le domaine administratif et diplomatique.

La double vocation de Jean Favier, né le 2 avril 1932 à Paris, s'inscrit dans un parcours de formation commencé à l'École nationale des chartes (1952-1956), poursuivi à l'École française de Rome (1956-1958) et achevé par l'agrégation d'histoire (1961). Il y acquiert une maîtrise des problèmes politiques de la France de Philippe le Bel ainsi que des questions fiscales et économiques à la fin du Moyen Âge. Il illustre concomitamment ces champs disciplinaires, abusivement opposés par un mouvement historiographique qui procède souvent par modes successives, en usant de tous les genres à la disposition de l'historien, sans exclusive et sans aucun parti pris : biographies (Un conseiller de Philippe le Bel : Enguerran de Marigny, 1963 ; Philippe le Bel, 1978 ; Charlemagne, 1999 ; Louis XI, 2001), thèse de doctorat (Les Finances pontificales à l'époque du Grand Schisme d'Occident, 1378-1409, 1966), manuels universitaires (Finances et fiscalité au bas Moyen Âge, 1971), éditions de sources (Le Registre des compagnies françaises, 1449-1467, 1975), dictionnaires encyclopédiques (Dictionnaire de la France médiévale, 1993), monographies urbaines (Paris au XVe siècle, 1974 ; Paris, deux mille ans d'histoire, 1997) ou encore synthèses d'ampleur (Le Temps des principautés, 1984 ; De l'or et des épices. Naissance de l'homme d'affaires au Moyen Âge, 1987), sans oublier la direction de revues savantes (Revue historique, de 1973 à 1997). Son étude de la figure et de l'œuvre de François Villon (1982) est sans doute son livre le plus abouti et le plus emblématique de sa parfaite connaissance des différentes sources de l'histoire, de surcroît servi par un style clair et efficace. Ses nombreux travaux lui valent d'être élu membre de l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres) en 1985.

Jean Favier a d'abord été enseignant dans le secondaire, avant d'exercer dans l'enseignement supérieur, à Brest et à Rouen, puis à l'université de Paris-Sorbonne où il est élu professeur d’histoire médiévale en 1969 ainsi qu'à l'École pratique des hautes études (IVe Section) en tant que directeur d'études cumulant à partir de 1965. Il y occupa très tôt et dans une période délicate – au sortir de la crise de mai 1968 – des fonctions importantes, comme celle de directeur de l'Institut d'histoire de la Sorbonne (1970-1975), avant de devenir président du conseil d'administration de l'École normale supérieure (1989-1997).

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Ses talents d'organisateur trouvent ensuite à s'exprimer à la tête d'administrations culturelles de premier plan. Il donne sans doute le meilleur de lui-même durant dix-neuf ans (1975-1994) à la tête de la direction générale des Archives de France (D.G.A.F.). Son premier livre – un « Que-sais-je ? » sobrement intitulé Les Archives,paru en 1959, réédité de multiples fois et traduit en chinois et en japonais – est à cet égard prémonitoire. Jean Favier a en effet déployé son activité dans plusieurs directions, législative, institutionnelle, immobilière, scientifique et internationale. Il fait voter le 3 janvier 1979 la première loi sur les archives depuis la Révolution : le texte tire les conséquences d'une évolution doublement séculaire et anticipe résolument sur les mouvements à venir, en particulier par des définitions extensives et novatrices de la notion d'archives et d'archives publiques en particulier. Sous sa direction, les Archives nationales se dotent de nouvelles annexes (Cité des archives contemporaines à Fontainebleau, 1977 ; Centre des archives du monde du travail à Roubaix, 1993). Par ailleurs, il adapte le fonctionnement des services d'archives publiques aux nouvelles lois de décentralisation de 1982 et 1983. L'action immobilière de la D.G.A.F. durant ce long mandat est sensible dans la construction et l'ouverture en 1988 du Centre d'accueil et de recherche des Archives nationales (C.A.R.A.N.) et dans la construction ou la reconstruction de la quasi-totalité des bâtiments départementaux d'archives. La mise en chantier et la réalisation sous sa houlette de l'État général des fonds (1978-1988) et de l'État des inventaires (1985-1991) a été probablement la plus intensive aventure intellectuelle collective des Archives nationales depuis le xixe siècle. Elle s'est doublée d'une informatisation précoce (dans le paysage français des institutions du patrimoine écrit) de la gestion des communications. Enfin l'investissement international de Jean Favier, vice-président (1984-1988) et président (1988-1992) du Conseil international des archives, s'est traduit, pour la France, par l'accueil à Paris en 1988 du Congrès international des archives, le plus important du genre à l'époque.

Jean Favier a été ensuite, de 1994 à 1997, président de la toute nouvelle Bibliothèque nationale de France dont il a eu la charge de superviser l'achèvement des nouveaux bâtiments dans le XIIIe arrondissement (site François-Mitterrand), inaugurés en 1995 et officiellement ouverts au public à la fin de l'année 1996. Une ultime mission lui a été confiée par la puissance publique, à savoir la présidence de la Commission nationale française de l'U.N.E.S.C.O., qu'il a assurée de 1997 à 2009 et où il a promu l'influence intellectuelle de la France en même temps qu'il assurait l'audience de cette institution dans la société française.

Par la qualité et la diversité de ses recherches, par ses responsabilités universitaires et par son engagement dans la direction d'institutions patrimoniales de première importance, Jean Favier était un savant capable d'insuffler à de grandes administrations de l'État un esprit de science, seul apte à les rénover profondément et à leur garantir une légitimité multiséculaire.

— Olivier PONCET

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