JEAN FOUQUET, PEINTRE ET ENLUMINEUR (expositions)
La Bibliothèque nationale de France a présenté à Paris, du 25 mars au 22 juin 2003, dans la galerie Mazarine, une grande célébration des œuvres de Jean Fouquet, sous le titre Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle. François Avril, commissaire de l'exposition, a réuni pour le visiteur l'essentiel de l'œuvre de l'artiste. En même temps, le musée Condé à Chantilly proposait, sous la direction de Patricia Stirnemann, un panorama de manuscrits enluminés d'origine française du xve siècle, qui, tous, témoignent de l'effervescence artistique ayant marqué l'époque de Fouquet. Dans cette exposition, qui s'inscrit en complément de la précédente, outre les quarante feuillets des Heures d'Étienne Chevalier, qui ne peuvent quitter le musée Condé, vingt manuscrits datés des années 1430-1490 permettaient de mieux situer l'art de Fouquet et prolongeaient la grande exposition tenue en 1993, à la Bibliothèque nationale, sur les manuscrits enluminés en France de 1440 à 1520.
De Fouquet, qui ne connaît le célèbre portrait de Charles VII, peint vers 1450-1455, et aujourd'hui conservé au Louvre ? Pourtant, l'artiste lui-même reste mal connu, difficile à cerner, en l'absence d'une documentation certaine. Ce n'est pas le moindre mérite des deux expositions de 2003 que de faire le point sur les faits et les hypothèses. Né entre 1415 et 1420 à Tours, l'artiste entre sans doute en relation, très tôt, avec des peintres flamands ou avec leurs œuvres. Il part pour l'Italie en 1445, se rend à Florence, puis à Rome, où il peint un portrait du pape Eugène IV (1431-1447) qui le rend fameux pour sa maîtrise du genre. Revenu en France, il fréquente à Angers la cour brillante du roi René (1409-1480) et peut y rencontrer le maître de Jouvenel, personnalité artistique de ce milieu. Après sa mort, en 1480, il tombe vite dans l'oubli, jusqu'à sa redécouverte, à la fin du xixe siècle. Fouquet avait laissé de lui un autoportait : au moins avait-il un visage. Sur le cadre du Diptyque de Melun, vers 1452-1455, un médaillon de cuivre doré montre encore, au Louvre, sur un fond d'émail bleu nuit, l'effigie d'un homme d'une trentaine d'années, mince, les lèvres épaisses, la mise simple et coiffé d'un bonnet. De part et d'autre du visage ainsi isolé, le premier d'une longue tradition à venir, on déchiffre toujours les lettres, écrites à l'antique, du prénom Joh[ann]es et celles du nom Fouquet, comme si l'artiste avait voulu signer une œuvre d'exception et, aussi, se désigner à l'attention de la Vierge, puis à celle des hommes qui viendraient après lui.
La plaque du Louvre semble bien être le premier autoportrait de peintre seul, même s'il prend toujours place dans le cadre d'un diptyque. Fouquet a travaillé sa vie durant pour des puissants, qui employaient des artistes tels que lui pour des peintures, mais aussi pour des cartons de tapisseries et de vitraux, pour des projets de sépulture (comme Louis XI [1423-1483] lui demandant de réaliser le projet de son tombeau, en 1474), ou pour des architectures de parade, tel le dais qu'il doit construire pour l'entrée à Tours d'Alphonse V, roi du Portugal. À deux exceptions religieuses près, le Livre d'Heures d'Angers (vers 1450) et la très belle Pietà de l'église de Nouans-les-Fontaines (vers 1460-1465), où des chanoines sont les commanditaires, il s'agit toujours pour Fouquet de satisfaire à la demande de clients laïcs illustres et fortunés. Leurs goûts les portent à un art d'inspiration flamande, mais toujours savant dans la maîtrise spatiale et donc bien au courant des dernières modes italiennes.
Ces exigences, Fouquet sait les prendre en compte et les traduire en peinture. Dans les Heures d'Étienne Chevalier[...]
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Écrit par
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
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