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FOUQUET JEAN (1420 env.-av. 1481)

Œuvres de Fouquet sous Louis XI

À partir des Grandes Chroniques, toute influence italienne disparaît de l'art de Fouquet ; la tradition flamande ou franco-flamande s'impose comme le montre le portrait de Guillaume Jouvenel des Ursins. Un dessin rehaussé de couleurs préparait le tableau (cabinet des Estampes, musées de Berlin). Il fut certainement tracé rapidement devant le modèle. Mais, en dépit de l'apparente précision du détail, Fouquet oriente son travail vers une composition géométrique. Il indique par des rehauts de craie sa vision du coloris par rapport au modelé et à la répartition des lumières, aboutissant ainsi à un véritable mémento qui le guidera dans l'exécution. Dans le portrait achevé, le contour opulent de la ligne force notre regard à la suivre et à s'accrocher au modèle prismatique du corps. Fouquet cherche à discerner dans son sujet un élément qui échapperait aux fluctuations du temps. Mais, à la différence de Jan Van Eyck et plutôt en accord avec Petrus Christus, il n'accepte pas la simple réalité de ses modèles, il veut apporter la preuve de leur nécessité et faire une apologie de leur essence en rendant leur existence évidente. Conscience en éveil, il réalise entièrement ce qu'il a si puissamment conçu pour une clientèle cohérente, ce « clan » des hommes nouveaux tournant autour du roi. Fouquet est le peintre héraldique par excellence ; on peut admirer une synthèse de son art universel dans sa seule œuvre documentée, les Antiquités judaïques, achevée pour Jacques d'Armagnac qui la commande probablement lors d'une visite faite à Tours en 1465. Il vise maintenant à faire des enluminures plus vastes, au dessin plus flou, mais velouté, au coloris mat où la lumière d'été rayonne dans une atmosphère légère, vaporeuse, comme dans les paysages des Heures de Chantilly.

Au moment de l'épanouissement du livre imprimé, Fouquet porte l'art de l' illustration du livre à sa plus grande perfection. Il se rend compte de la différence essentielle entre la peinture de chevalet et l'illustration des livres. Ses illustrations sont réellement des « histoires », c'est-à-dire un récit visuel, accompagnant la narration du texte et enregistrant dans une large mesure les événements contemporains et la luminosité des paysages de Touraine.

Dans ces enluminures à l'exécution très sûre, perfection et routine semblent confondues. Le dessin, très soigné, rapidement tracé sur le parchemin pour se fondre ensuite au coloris, est tantôt lisse tantôt rugueux. L'emploi virtuose de l'or au pinceau, qui permet d'obtenir des hachures, des poudroiements, s'allie à une technique exceptionnelle, déjà « pointilliste ». Une grisaille transparente donne une perspective aérienne. On sent les tourbillons de poussière remplissant l'air. Une émotion intense règne dans le désespoir de ces batailles indécises.

Les quatre grandes enluminures provenant d'un ouvrage d'histoire, conservées au cabinet des Dessins du Louvre, montrent l'aboutissement de ces tendances. Le jeu des plans échelonnés en profondeur annonce la peinture de l'âge classique. Devant des scènes comme celle de Pompée au cheval blanc, on pense à la peinture murale. Le problème des rapports de la peinture de grandes dimensions, des retables, avec un art d'enluminures aux visées monumentales se pose à Fouquet avec acuité dans ses dernières années. Contrairement à d'autres peintres de la fin du xve siècle, il s'adapte toujours aux possibilités des formats choisis. L'analyse des relations et des dissemblances entre des formes de plus en plus variées en quête d'autonomie montrerait les raisons de la victoire finale de la peinture de chevalet.

Si l'on évoque, pour conclure, l'autoportrait en émail de Fouquet, on en retiendra un pessimisme[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur honoraire d'histoire de l'art, universités de Montréal et de Tours

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Médias

Portrait de Charles VII, J. Fouquet - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait de Charles VII, J. Fouquet

Pietà de Nouans, J. Fouquet - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini

Pietà de Nouans, J. Fouquet

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