RETZ JEAN FRANÇOIS PAUL DE GONDI cardinal de (1613-1679)
Longtemps, Paul de Gondi a été un prêtre franchement scandaleux, factieux, opportuniste et maladroit. Mais il fut aussi – encore que plus rarement – coadjuteur, familier du pavé de Paris, champion de la romanité, élève de « M. Vincent », proscrit et pénitent de dom Hennezon. Peu à peu, il quitte ce personnage douteux pour devenir ce qu'il est : un des grands écrivains de son temps ; sa vie entière se confond avec ses écrits. Non pas seulement parce que sa plume lui fut une arme, mais parce qu'il écrit comme il a rêvé, comme il a tenté de vivre.
« Dans le parterre »
Il a commencé sa vie à Montmirail ; très tôt « attaché à l'Église », il mène de front, dès 1632, galanteries, duels, études. En 1639, il entre en littérature avec une nouvelle historique, La Conjuration de Fiesque, épisode de l'histoire de Gênes au xvie siècle : il s'y inspire de l'Italien Mascardi et, peut-être, de la traduction de Bouchard, libertin érudit, auteur établi à Rome de polissonnes Confessions. Ce récit, connu très vite par des copies manuscrites – plus subversives que le texte imprimé (1665), et découvertes il y a peu –, inquiète Richelieu. Décrivant la conduite de Fiesque, Gondi prouve qu'il connaît la leçon de Machiavel, et il en démontre l'efficacité : « Les scrupules et la grandeur ont été de tout temps incompatibles. » Le rapprochement de cette adaptation avec ses modèles permet de saisir quelle part personnelle entre dans l'interprétation du sujet : sous les prétextes spécieux de l'histoire affleurent sans cesse les tumultes de la conspiration et son apologie. Qu'importe le succès funeste de Fiesque ! Gondi conclut (1639) : « Son procédé haut et élevé et les grandes vertus dont il a toujours fait profession nous justifieront que la couronne et le sceptre étaient moins l'objet de son ambition que l'honneur. » Œuvre étonnante, prémonitoire programme de vie, où, à chaque ligne, l'autobiographie du mémorialiste perce sous l'« héroïsation d'un factieux ». La Conjuration, au début d'une vie, porte autant de rêves que La Vie du cardinal de Rais à sa fin : l'impatience, simplement, y préfigure le souvenir.
1648 : la Fronde éclate. C'est que la Constitution est en cours de transformation : selon le statut coutumier du royaume, fils de France et princes du sang avaient alors le droit de conseiller le roi, de participer au gouvernement. Dès Henri IV et, a fortiori, sous les régences, le roi – ou la régente – gouverne avec des hommes de son choix, sans considérer les droits héréditaires des anciennes familles ; les membres de celles-ci se jugent lésés, tentent de s'imposer par un plus grand dévouement au roi ou par la révolte. Le Parlement s'émeut, et tous les ordres : officiers de justice et de finances contre intendants, petit peuple à la vie précaire. Gondi, « très emporté et très séditieux » contre Mazarin, élit la rébellion, s'avoue l'auteur de féroces pamphlets parmi les milliers que génère la Fronde, Ces écrits de circonstance font entendre Gondi, justifient l'engouement du public pour son prêche, témoignent de sa tessiture, du burlesque Manifeste du duc de Beaufort à la solennelle Remontrance au roi ; désormais cardinal de Retz, il est néanmoins arrêté (1652), incarcéré. Noblesse et Parlement ont perdu pouvoirs et illusions ; la mode des cardinaux-ministres est passée.
Après la « liberté recouvrée » (1654), ce sont les années d'exil : Retz aborde au rivage italien, participe à son premier conclave (1655) ; pressé de quitter Rome (1656), il mène alors une vie errante, puis s'établit à Commercy (1661) ; considéré comme papabile, il assiste à un deuxième conclave (1667), puis à un troisième (1669). Retiré à Saint-Mihiel (1675), il écrit ses Mémoires[...]
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Écrit par
- Marie-Thérèse HIPP
: docteur ès lettres, professeur des Universités (langue et littérature françaises du
xvii e siècle)
Classification
Autres références
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