Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

REGNARD JEAN-FRANÇOIS (1655-1709)

Parisien des Halles, fils d'un riche marchand de poisson salé, mais orphelin de père dès sa tendre enfance, Jean-François Regnard est élevé par sa mère et ses quatre sœurs, fait de bonnes études et entre en apprentissage chez un mercier. Les démons du voyage, du jeu et de la poésie le saisissent de bonne heure. Avant vingt ans, il part pour Constantinople, revient au bout de deux ans, puis, en 1677, il repart pour l'Italie avec M. de Fercourt. En cours de route il vit avec Mme de Prades l'aventure amoureuse qu'il romancera dans La Provençale. Sur mer, lui, sa belle, le mari de celle-ci et Fercourt sont capturés par des pirates barbaresques qui les vendent comme esclaves à Alger. Huit mois plus tard, la rançon arrive, et les deux compagnons peuvent libérer Mme de Prades. En 1681, Regnard repart, avec Fercourt, pour l'Europe septentrionale et centrale : Pays-Bas, Danemark, Suède, Laponie (d'où le fameux Voyage en Laponie, quelque peu romancé aussi), Pologne, Autriche, Allemagne. Au retour, il achète la sinécure de trésorier de France à Paris. Sa situation bien assise, il se tourne vers le théâtre, donne d'abord des farces aux Italiens (Le Divorce, 1688, etc.), certaines en collaboration avec Dufresny (Les Chinois, La Foire Saint-Germain). En même temps, il versifie des poésies variées, des épîtres en particulier. Il polémique contre Boileau (Satire contre les maris, 1694, en réplique à la Satire des femmes), puis ils se réconcilient. En 1696, Le Joueur, première grande comédie, souvent surfaite néanmoins, car elle n'apporte pas l'étude de caractère sur la passion du jeu qu'elle semble promettre, amorce tardivement sa véritable carrière. En douze ans, il donne aux comédiens-français une dizaine de pièces (Le Distrait, Les Folies amoureuses, Les Ménechmes) dont la dernière et la plus étourdissante restera la plus jouée : Le Légataire universel (1708). Il a vendu sa charge en 1699, mène une vie d'épicurien raffiné, habite l'été son château de Grillon près de Dourdan, où il fait figure de seigneur. Un an après Le Légataire, il y meurt dans des circonstances mal éclaircies. Brillant, insouciant, excellent musicien, il a transporté toute sa gaieté et sa fantaisie naturelles dans ses pièces. Il ne faut certes pas y chercher d'autre exigence morale ou d'autre position intellectuelle que le parti pris de rire aux éclats de la décomposition générale. Mais la justesse des mots drôles, l'invention spirituelle, l'irrésistible verve tiennent du miracle et font passer des plaisanteries parfois lourdes. Chacun connaît la sentence de Voltaire : « Qui ne se plaît avec Regnard n'est pas digne d'admirer Molière. »

— Jean MARMIER

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne

Classification

Autres références

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

    • Écrit par
    • 7 270 mots
    • 3 médias
    ...sociale, de ses usages, de ses modes et des vices à la mode, avec légèreté chez Dancourt ou Dufresny, avec une allégresse plus mordante chez Lesage ou Regnard. Les successeurs de Molière marient ainsi son héritage à celui de La Bruyère, peintre des caractères et des mœurs de son temps. Ils échouent...