REVEL JEAN-FRANÇOIS (1924-2006)
Jean-François Revel – de son vrai nom Jean-François Ricard – est né à Marseille le 19 janvier 1924. Engagé très jeune dans la Résistance, cet élève de l'École normale supérieure devient agrégé de philosophie, matière qu'il enseigne en Algérie, au Mexique (1950-1952), en Italie (1952-1956) avant de revenir en France. Il quitte l'Éducation nationale en 1963. Dans ses premières œuvres, il met durement en cause les maîtres à penser des années 1960. Journaliste à France-Observateur, où il dirige la rubrique littéraire (1960-1963), il s'engage jusqu'en 1970 en politique dans la gauche socialiste. Éditorialiste puis directeur de L'Express, il démissionne par solidarité avec Olivier Todd, rédacteur en chef, licencié en 1981. Chroniqueur sur plusieurs stations de radio (Europe no 1, R.T.L.), il entre au Point en 1982.
Jean-François Revel avait fait preuve dans sa critique des philosophes d'une ironie féroce. Il en usera à dose variable dans de nombreux domaines : entre autres, la littérature (Sur Proust, 1960 ; Baudelaire polémiste, 1968), la politique (La Tentation totalitaire, 1976 ; Comment les démocraties finissent, 1983 ; L'Obsession anti-américaine, 2002), la sociologie (Ni Marx ni Jésus, 1970), l'art (Pour l'Italie, 1958), la gastronomie (Un festin en paroles, 1979).
Cet auteur fécond suivait un fil directeur : la critique des ennemis de la liberté, mais aussi des mensonges, de la lâcheté et de l'hypocrisie de ceux qui cédaient devant eux. Le terme de « résistance » (aux tyrannies, petites et grandes, intérieures et extérieures) pourrait résumer son œuvre et celui de « polémique », son « naturel » stylistique. Revel fut en effet un « formidable pamphlétaire à la manière de Voltaire » (Mario Vargas Llosa). Les analyses de ce polyglotte s'appuyaient sur une lecture « boulimique » des œuvres et de la presse internationale. Celle-ci le lui rendait bien et Revel était sans doute un des intellectuels français les plus connus hors de France depuis les années 1970.
Face à un gaullisme où il pensait repérer boursouflures nationalistes et autoritarisme et à une gauche qu'il jugeait trop complaisante à l'égard du communisme, dans lequel il voyait un ennemi juré de la démocratie, il s'affirma de plus en plus libéral.
Revel a beaucoup fait pour populariser en France la bipolarité démocratie/totalitarisme qui rendait à ses yeux secondaire l'opposition droite/gauche et hiérarchisait la gravité des maux qui menaçaient les démocraties. Pour lui, les dictatures classiques ne sauraient être assimilées aux systèmes totalitaires. Les premières contrôlent une population, exigent leur soumission. Les seconds veulent refondre le social, créer un homme nouveau. Leur emprise sur tous les plans de la vie sociale et les techniques mises en œuvre pour y parvenir laissait encore au début des années 1980 planer un doute sur la réversibilité de ces régimes. Jean-François Revel fustigea d'autant plus les dirigeants des États démocratiques pour leurs faiblesses à leur égard.
Il dénonça encore dans l'anti-américanisme un trop facile pot-pourri d'arguments discutables destiné à donner corps à un bouc émissaire de nos propres insuffisances, et, dans ses dernières années, défendit les États-Unis dans leur lutte contre l'islamisme radical, vu comme une nouvelle forme de totalitarisme. Il contribua aussi à faire connaître la pensée des libéraux sud-américains, notamment le Vénézuélien Carlos Rangel ou le Péruvien Mario Vargas Llosa.
Athée, porté à un matérialisme hédoniste et rationaliste, Revel savait que l'irrationnel alimentant sous différentes formes le mensonge envers soi-même était largement répandu. C'est pourquoi les batailles qu'il mena ne doivent pas cacher un certain pessimisme anthropologique, formulé dès [...]
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Écrit par
- Pierre RIGOULOT : historien, directeur des études et des recherches à l'Institut d'histoire sociale
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