GIONO JEAN (1895-1970)
Giono et le cinéma
Plusieurs cinéastes ont porté à l'écran des œuvres de Giono, avec un bonheur inégal. Marcel Pagnol est l'auteur de films de qualité, mais fort éloignés de l'esprit des textes (Jofroi, Angèle, Regain, La Femme du boulanger). Il en va de même du Chant du monde de Marcel Camus (1965), des Cavaliers de l'orage de Gérard Vergez (1984), du Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau (1995) et des Âmes fortes de Raoul Ruiz (2000). D'autres ont franchement maltraité leur modèle (Émile Couzinet, Le Bout de la route, 1949 ; Christian Marquand, Les Grands Chemins, 1963). L'intérêt de Giono lui-même pour le septième art est ancien et vif, quoique balancé par sa méfiance vis-à-vis de l'industrie cinématographique. Des commandes l'ont poussé à écrire de plus en plus pour le cinéma. Il rédige dès 1942 un « découpage technique » du Chant du monde, jamais tourné, compose en 1956 le scénario de L'Eau vive qui présente sous une forme romancée les conséquences de l'édification du barrage de Serre-Ponçon. Avec l'équipe du film (le réalisateur François Villiers, le scénariste Alain Allioux), il décide de porter à l'écran Le Hussard sur le toit, dont il écrira un scénario complet. Des difficultés de production empêcheront le projet d'aboutir, mais il en sortira un court métrage très original, Le Foulard de Smyrne (1958), conçu comme le banc d'essai du Hussard ; la description de l'invasion du choléra y est faite selon le procédé de la caméra subjective auquel Giono était fort attaché. La même technique inspire un autre court métrage : La Duchesse (1959), axé sur le brigandage légitimiste en Provence qu'on retrouvera bientôt dans les Récits de la demi-brigade. En 1959, Giono adapte Platero et moi de Juan Ramon Jiménez, mais le film ne se fera pas. La même année, il crée la Société des films Jean Giono, destinée à lui garantir la maîtrise de l'exploitation cinématographique de son œuvre. C'est elle qui produit Crésus, scénario original dont Giono assure la mise en scène. Un berger (dont le rôle est tenu par Fernandel) découvre les vertus d'une « civilisation du peu » après qu'une fortune démesurée a livré son désir au vertige du vide : « la misère, c'est le désir ». C'est surtout dans l'adaptation qu'il écrit d'Un roi sans divertissement (tournée par François Leterrier en 1963) que Giono se montre habile à manier le langage propre au cinéma, par la concentration du récit et le travail sur les couleurs. Il compose encore des commentaires pour des courts métrages (L'Art de vivre, 1961 ; La Chevelure d'Atalante, 1966 ; 04, 1968). Au total, le cinéma aura offert à Giono la possibilité d'imprimer des formes narratives nouvelles aux thèmes obsédants qu'exprime toute son œuvre.
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Écrit par
- Laurent FOURCAUT : maître de conférences en littérature française
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