GIRAUDOUX JEAN (1882-1944)
Giraudoux dramaturge ou l'illusionniste engagé
Sa troisième carrière est la plus brillante, et s'ouvre par un coup d'éclat : la générale de Siegfried (pièce tirée en 1928 du roman de 1922) marque la restauration en France de ce théâtre littéraire si vainement souhaité par Copeau. Chaque soir, pendant plus de dix ans, Giraudoux, interprété par Jouvet, régnera sur les théâtres parisiens.
Reprenant de vieux thèmes pimentés d'anachronismes (Amphitryon 38 en 1929 ; Judith, 1931 ; Électre, 1937 ; Ondine, 1939) ou créant de nouveaux mythes (Siegfried, 1928, Intermezzo, 1933), Giraudoux rétablit le théâtre dans sa dignité d'assemblée générale des peuples, et invite ses spectateurs à de souriantes méditations sur les problèmes éternels de l'amour, de la condition humaine, de la guerre. Dans son travesti mythologique, l'actualité est bien reconnaissable (La guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935), et Giraudoux peut se prendre pour le penseur politique de son temps (Pleins Pouvoirs, 1939).
La guerre rend caduc son programme d'urbanisme et de salubrité (programme qui retrouve sa valeur aujourd'hui). Sa nomination au poste de commissaire à l'Information (août 1939) perd tout sens du fait de la censure. L'Occupation marque pour lui la fin d'un monde qu'il décrit d'abord comme la fin du monde : Sodome et Gomorrhe (1943) dit l'échec du couple et la défaite de la patrie. Mais il se ressaisit. En écrivant La Folle de Chaillot, il semble pressentir le temps où elle sera créée (1945) : dans un Paris qui n'a pas oublié sa belle époque, une vieille folle inspirée entraîne un petit peuple d'égoutiers et de chanteurs des rues dans une révolution gentiment anarchiste. Il n'a pas été donné à Giraudoux, mort en janvier 1944, de voir la libération de Paris. Mais Sartre nota aussitôt : « Les vieilles valeurs de mesure, d'ordre, de raison, d'humanisme qu'il a redécouvertes demeurent, après sa mort, « proposées ». Toutes nos violences n'empêcheront pas qu'elles existent... Elles resteront, quel que soit le chemin que nous choisissions demain, comme une chance possible ou comme un beau regret ou peut-être comme un remords. »
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Écrit par
- Jacques BODY : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de littérature comparée à l'université François-Rabelais de Tours
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