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GRUAULT JEAN (1924-2015)

Acteur, metteur en scène de théâtre, auteur dramatique, romancier, librettiste d’opéra, Jean Gruault a marqué l’histoire du cinéma par son travail de scénariste. S’il avait écrit pour des réalisateurs tels que Robert Enrico ou Gavin Millar, il était surtout de la famille de la nouvelle vague (via Rossellini, Rivette, Truffaut) et, plus globalement, des « cinéastes de la modernité » des années 1960 aux années 1980 (Alain Resnais, Jean-Luc Godard, André Téchiné, Chantal Akerman, René Féret, etc.) Sa conception du métier de scénariste s’opposait radicalement à celles de nombre de ses prédécesseurs : « Quand je fais un scénario, ce ne sont pas seulement les dialogues qui m’intéressent, mais les possibilités de mise en scène. »

Jean Gruault est né le 3 août 1924 à Fontenay-sous-Bois, dans une famille aisée. L’enfant est d’une imagination foisonnante, nourrie par d’abondantes lectures et les séances de Guignol et de Pathé-Baby organisées par son grand-père, en attendant le cinéma sur grand écran, surtout King Kong. Lorsque sa famille s’installe à Beauséjour, une propriété en Anjou, le jeune Gruault la peuple de ses personnages favoris et s’invente un double fabuleux, Roger Bick, super-héros pour lequel il imagine ses premiers scénarios. Après la Libération, il passe trois ans au séminaire puis revient au théâtre, découvert au lycée, et qu’il pratiquera en professionnel jusqu’en 1960, époque où il milite au Parti communiste avec son ami Charles Denner. Entre-temps, il a rencontré la « bande » des Cahiers du cinéma, se liant tout particulièrement avec Jacques Rivette, puis François Truffaut.

Un personnage de Paris nous appartient, premier long-métrage de Rivette (1958), dont il écrit avec lui le scénario, parfois au jour le jour, livre une clé du travail futur de Jean Gruault. Le Périclès de Shakespeare, dit-il, est fait « de pièces et de morceaux, mais tout se lie sur un autre plan ». Plus tard, c’est à partir de son adaptation montée avec succès au théâtre que Rivette réalise en 1966 Suzanne Simonin.La Religieuse de Diderot, un film auquel la censure donnera un retentissement inattendu.

En 1961, Truffaut envoie Jean Gruault au secours de Roberto Rossellini en panne de scénario pour Vanina Vanini, dont le tournage à Cinecittà doit commencer quelques jours plus tard. Le scénariste-assistant découvre à quel point travailler avec Rossellini, c’est vivre dans l’incertitude. Naît ainsi une amitié qui ne s’éteindra qu’avec la mort du cinéaste, avec plus de projets que de réalisations. Le seul fruit concret en sera la magnifique Prise de pouvoir par Louis XIV (1966), alors que ni l’un ni l’autre ne se sentaient d’affinités avec le personnage.

« Si c’est un film qui demande beaucoup de documentation, de livres à lire, de recherches à faire, je le ferai avec Gruault », expliquait Truffaut. De fait, Jules et Jim(1961), L’Enfant sauvage (1970), Les Deux Anglaises et le continent (1971), L’Histoire d’Adèle H. (1975) et La Chambre verte (1978), sans oublier des projets repris par d’autres par la suite, comme Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (2015), sont des « films d’époque ». Mais la très longue gestation de chaque scénario – souvent plusieurs années – tient aussi largement au fait que chacun d’eux constitue une gageure. Ainsi, comment condenser de façon dramatique et cohérente les six mille pages du journal d’Adèle Hugo ?

Avec Mon oncle d’Amérique (1980), Resnais propose à Gruault un autre défi : il s’agit de « faire voir » – autre définition de l’activité du scénariste selon Gruault – les mots et les idées complexes du neurobiologiste Henri Laborit. La collaboration se poursuivra avec La vie est un roman (1983) et L’Amour à mort (1984). Dans son autobiographie (Ce que dit l’autre, 1992), Gruault se réjouit : avec Resnais[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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