HUBEAU JEAN (1917-1992)

La grande carrière de pédagogue que Jean Hubeau a accomplie un demi-siècle durant a longtemps relégué au second plan ses talents de compositeur et de pianiste, avant que le monde musical ne réalise que le piano français possédait en lui l'un de ses plus beaux fleurons.

Jean Hubeau voit le jour à Paris le 22 juin 1917. Il entre au Conservatoire à l'âge de neuf ans ; il y travaille le piano avec LazareLévy (premier prix en 1931), les disciplines théoriques et la composition avec Jean et Noël Gallon et Paul Dukas (premiers prix d'harmonie en 1931, de fugue et de composition en 1933). Il obtient un second grand prix de Rome en 1934 pour sa cantateLa Légende de Roukmani et remporte, l'année suivante, le prix de piano Louis-Diémer. Dès 1935, il donne sa première œuvre pour orchestre, Tableaux hindous. Une bourse de l'Académie des beaux-arts lui permet d'aller travailler à Vienne en 1937, où il étudie la direction d'orchestre avec Felix Weingartner et Josef Krips. Il entame une carrière de soliste et de compositeur. Dès 1938, il enregistre son premier disque, consacré à Schubert, avec Pierre Fournier, il joue avec Maurice Maréchal, Henri Merckel (qui crée son Concerto pour violon en 1939 avant de le graver en 1947). Dès 1942, il est nommé directeur du conservatoire de Versailles, qui devient un passage obligé pour les postulants au Conservatoire de Paris. En 1957, il se voit confier une classe de musique de chambre au Conservatoire de Paris qu'il gardera pendant vingt-cinq ans et où seront formées plusieurs générations d'instrumentistes français : les pianistes Catherine Collard, Katia et Marielle Labèque, Michel Dalberto, Laurent Cabasso, le violoniste Olivier Charlier, l'altiste Gérard Caussé, les violoncellistes Roland Pidoux et Frédéric Lodéon. Puis ce sont des master classes très suivies à La Roque-d'Anthéron. Infatigable défenseur de la musique française, il est un partenaire de musique de chambre très recherché, notamment en trio, en quatuor avec piano ou en quintette. Ses enregistrements font date — intégrales de la musique de chambre de Fauré (1970) et de Schumann (1981), de la musique pour piano de Dukas et de Fauré (1991) —, tous couronnés par des grands prix du disque. Parmi ses partenaires figurent les violonistes Maurice Fueri et Alfred Loewenguth, les violoncellistes Paul Tortelier et André Navarra, les quatuors Loewenguth, Via Nova, Fine Arts, Viotti... Il meurt à Paris le 19 août 1992.

Son œuvre de compositeur, que sa carrière d'instrumentiste et de pédagogue a réduite au fil des années, touche à tous les genres mais est assez peu abondante : trois ballets (Trois Fables de La Fontaine, chorégraphie de Roland Petit, 1945 ; La Fiancée du diable, chorégraphie de Boris Kochno, 1945 ; Un cœur de diamant, ou l'Infante, ballets du marquis de Cuevas, Monte-Carlo, 1949), des concertos pour violon (1939), pour violoncelle (créé par Paul Tortelier en 1942), Concerto héroïque pour piano (1946), des sonates pour violon et piano (1941), pour trompette et piano (1943), pour piano, la Sonate-Caprice pour deux violons (1944), des pièces pour piano (Variations, 1933 ; Conte fantastique d'Espagne, 1936), de nombreuses mélodies et des musiques de film. Il a puisé chez Paul Dukas un art des timbres et un sens du rythme qui séduisent par leur spontanéité. La joie de vivre et la noblesse d'esprit qui se dégagent de ses œuvres sont autant d'hommages à Chabrier ou à Franck. En dehors de quelques pièces éparses, il a pratiquement cessé de composer à partir des années1950, laissant sommeiller une œuvre qui fut accueillie en son temps comme prometteuse. Mais l'homme était dévoué aux autres, trop discret et pudique pour faire valoir sa propre musique. La longue période pendant laquelle sa personnalité de pianiste a été reléguée derrière celle du pédagogue doit être imputée aux mêmes raisons ;[...]