BECKER JEAN-JACQUES (1928-2023)
Historien français né le 14 mai 1928, Jean-Jacques Becker est l’auteur de travaux sur la Première Guerre mondiale faisant référence. Spécialiste de l’opinion, sa contribution à l’histoire politique de la France du xxe siècle est également importante. Nommé maître assistant à Nanterre en 1968, après avoir enseigné dans le secondaire à Péronne, Auxerre puis Paris, il devient en 1977 professeur à l’université de Clermont-Ferrand. Il revient à Nanterre en 1985, assurant même la vice-présidence de cette université de 1986 à 1989, et y enseigne jusqu’à sa retraite, en 1994.
Rares sont les thèses ayant eu autant d’écho que celle de Jean-Jacques Becker. IntituléL’Opinion publique française et les débuts de la guerre de 1914, ce doctorat d’État réalisé sous la direction de Pierre Renouvin puis, à son décès, de René Rémond, est soutenu en 1976. Il est publié l’année suivante sous le titre 1914 : comment les Français sont entrés dans la guerre. En recourant notamment aux rapports rédigés par les instituteurs, Jean-Jacques Becker montre que la mobilisation en août 1914 est loin de s’opérer « la fleur au fusil » et que cette annonce, confondue de surcroît avec la déclaration de guerre proprement dite, est d’abord reçue avec stupéfaction, puis résolution. Dans la foulée, d’autres études, en Allemagne et dans l’ensemble des pays belligérants, conduisent à un semblable revirement historiographique.
Limiter le legs de Jean-Jacques Becker à l’été 1914 serait néanmoins réducteur. À la tête du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, il contribue à renouveler profondément la compréhension de ce conflit en insistant notamment sur les approches transnationales. Président du jury de l’agrégation au début des années 1990, il concourt à l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs – parmi lesquels Stéphane Audoin-Rouzeau et sa fille, Annette Becker – et est à l’origine d’une histoire qui, bien que dite culturelle, ne doit pas être réduite à une histoire des créations culturelles – qui serait de l’ordre de l’histoire de l’art – ou des faits de culture. En effet, dans ces travaux, l’attention est avant tout portée sur les représentations mentales, c’est-à-dire sur la manière dont les acteurs se représentent le réel en cours.
L’émergence de l’histoire culturelle est indissociable d’une géographie du paysage intellectuel du dernier tiers du xxe siècle qui ne peut être comprise sans la prise en compte de la perte de vitesse progressive du marxisme, au fur et à mesure du déclin du bloc de l’Est. Au jeu des structures socio-économiques comme facteur explicatif du comportement des acteurs succède une nouvelle approche, empruntant largement à la linguistique et à l’anthropologie, attentive au poids des discours et des imaginaires. Or, homme de gauche, Jean-Jacques Becker est également un grand historien du politique comme en témoignent ses travaux sur le Carnet B – un fichier répertoriant les individus considérés comme pouvant s’opposer à la mobilisation générale – ainsi que sur le Parti communiste. En cela, il n’est pas infondé de voir en lui la véritable passerelle entre deux configurations historiographiques majeures.
Car l’histoire de Jean-Jacques Becker est aussi celle d’un éloignement du communisme, mouvement analogue à celui de François Furet ou d’Annie Kriegel, sa sœur. Pour être comprise à sa juste mesure, cette adhésion au Parti (il en est membre de 1947 à 1960) doit être appréhendée à la lumière d’une famille résolument ancrée à gauche du côté paternel – la chose est moins claire du côté maternel – mais aussi, et peut-être même surtout, du contexte propre à la séquence 1939-1945. Car, petit-fils d’Alsaciens ayant opté pour la France en 1871 et fils d’ancien combattant de la Grande Guerre, Jean-Jacques[...]
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Écrit par
- Erwan LE GALL : docteur en histoire contemporaine, professeur référent, Hautes études internationales et politiques (HEIP), Rennes
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