Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LAFFONT JEAN-JACQUES (1947-2004)

Né en 1947, Jean-Jacques Laffont a sans doute été l'économiste français le plus actif et le plus influent de sa génération. Diplômé de l'université de Toulouse et de l'École nationale de la statistique et de l'administration économique (E.N.S.A.E.), il part en 1972 pour l'université Harvard, aux États-Unis, où il étudie sous la direction de Kenneth Arrow (Prix Nobel d'économie, 1972). Sa thèse de doctorat (Ph.D.), terminée en seulement trois ans, lui vaut en 1975 le prestigieux Wells Prize, prix de la meilleure thèse soutenue à Harvard, toutes disciplines confondues. C'est le début d'une carrière de chercheur exceptionnellement féconde, avec près de vingt livres et plus de deux cents articles publiés dans les meilleures revues internationales.

Dès 1975, Jean-Jacques Laffont contribue de façon essentielle à jeter les bases conceptuelles de la théorie des incitations, théorie qui va révolutionner la pensée économique, alors dominée par la théorie de l'équilibre général de Kenneth Arrow et Gérard Debreu. La théorie des incitations, encore appelée théorie des contrats, s'intéresse à l'utilisation stratégique, par les agents économiques, de leur information privée lors de relations contractuelles ou d'échanges commerciaux. Jean-Jacques Laffont va explorer systématiquement ces questions, en collaboration avec de nombreux co-auteurs, dont les Américains Jerry Green et Eric Maskin, et le Français Roger Guesnerie. Ensemble, ils élaborent à la fin des années 1970 la théorie des mécanismes d'allocation des ressources en présence d'asymétrie d'information, avec des applications, entre autres, au financement des biens publics, à la régulation des entreprises publiques et à la conception des mécanismes d'enchères. Ces travaux permettent, par exemple, de comprendre l'échec de la planification centralisée soviétique, qui négligeait ces problèmes d'incitation, mais aussi de justifier une certaine forme d'intervention publique dans les économies de marché, quand ce dernier conduit à de graves inefficacités dans l'allocation des ressources, comme c'est le cas lors de krachs boursiers ou de crises bancaires.

Une autre étape importante de la production scientifique de Jean-Jacques Laffont est sa collaboration avec l'économiste français Jean Tirole, alors professeur au prestigieux M.I.T. de Boston. Jean-Jacques Laffont le convaincra de s'installer à Toulouse avec lui. Cette collaboration de plus de vingt ans va aboutir à plus de vingt-cinq articles, et surtout à deux ouvrages très influents, où les auteurs analysent en profondeur les conséquences des problèmes d'incitation sur la régulation des monopoles publics, et l'introduction de la concurrence dans les télécommunications. Ces travaux leur conféreront une reconnaissance mondiale, avec notamment leur nomination à l'U.S. Academy of Arts and Sciences et le prix de l'Association Economique Européenne.

Fasciné par les problèmes de corruption dans les organisations, Jean-Jacques Laffont va ensuite élaborer avec David Martimort une nouvelle branche de la théorie des incitations, qui prend en compte la possibilité de renégociation cachée et de transferts occultes entre différents agents économiques. Leurs travaux stimuleront la recherche dans de nombreuses autres branches de la discipline : théorie des organisations, enchères, économie politique, économie du développement. L'ouvrage de Laffont et Martimort (The Theory of Incentives) constitue à ce jour la meilleure référence sur la théorie des incitations.

Préoccupé par le problème du développement, Jean-Jacques Laffont va consacrer une énergie considérable à l'action concrète, notamment dans le domaine de l'enseignement universitaire dans les pays pauvres. En formant des économistes de grande [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • TIROLE JEAN (1953- )

    • Écrit par
    • 1 187 mots
    • 1 média
    En 1982, Jean Tirole débute ses travaux sur la réglementation des industries de réseau et sur les marchés publics avec Jean-Jacques Laffont, rencontré à Rio de Janeiro en 1980 lors d’une conférence de l'Econometric Society. La même année, on lui propose de devenir professeur associé au MIT, qu’il...