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SERVAN-SCHREIBER JEAN-JACQUES (1924-2006)

Jean-Jacques Servan-Schreiber, né en 1924, trouve dans son héritage familial la double tradition du journalisme et du radicalisme : son père, Émile Schreiber, est codirecteur du journal Les Échos, et sa tahte, Suzanne Schreiber, accède en 1926 au secrétariat du Parti radical, dont elle devient la vice-présidente en 1931. Aux traditions familiales, le jeune Jean-Jacques ajoutera sa propre touche, celle de la modernité dont il se montrera l'inlassable avocat durant toute sa vie publique.

Reçu en 1943 à l'École polytechnique, il l'abandonne aussitôt pour gagner Alger par l'Espagne et s'engager dans les forces armées de la France combattante. Après un stage de pilotage aux États-Unis, il est affecté en Allemagne à la fin de la guerre. Il achève ses études à Polytechnique et commence en 1948 une carrière d'éditorialiste de politique étrangère au Monde, qu'il quitte en 1953 pour devenir le patron de l'hebdomadaire L'Express, à l'origine simple supplément des Échos.

Dès lors, le jeune homme possède les moyens de l'œuvre modernisatrice qu'il rêve d'entreprendre dans les domaines de la presse comme de la vie politique française. Transformant, avec l'aide de Françoise Giroud, L'Express en hebdomadaire de référence de la gauche moderne et républicaine, ouvert aux hommes politiques et aux intellectuels de premier plan, il le met au service de Pierre Mendès France, en qui il voit le modernisateur du Parti radical et de la IVe République. Si l'image de Mendès fabriquée par L'Express est assez éloignée du modèle réel, elle contribue sans nul doute à la venue au pouvoir de celui que l'hebdomadaire baptise « PMF » (comme on dit aux États-Unis « FDR » pour Roosevelt) et à la naissance dans l'opinion d'un puissant courant mendésiste.

L'échec de celui-ci sera un peu celui de « JJSS » (comme on dit « JFK » pour Kennedy). Hostile au retour au pouvoir du général de Gaulle, il s'inspire de l'exemple des médias américains pour lancer, en 1963, la candidature à l'élection présidentielle de M. « X » (qui s'avérera être Gaston Defferre, député-maire socialiste de Marseille), candidature centriste qui échouera en 1965. JJSS sera plus heureux dans ses efforts de modernisation de la presse avec la transformation en 1964 de L'Express en news magazine à l'américaine sur le modèle de Time. Et surtout, il connaît un immense succès avec la publication en 1967 du Défi américain dans lequel il dénonce le « fossé technologique » qui sépare la France des États-Unis et qu'il invite son pays à combler.

Le temps lui paraît alors venu de cesser de jouer les éminences grises et de mettre lui-même en pratique la modernisation de la vie politique, qu'il appelle de ses vœux. En octobre 1969, le nouveau président du Parti radical, Maurice Faure, appelle Jean-Jacques Servan-Schreiber au secrétariat général. En janvier 1970, celui-ci dote le vieux parti d'un programme audacieusement moderniste baptisé « Ciel et terre », s'assure, sans coup férir, en juin 1970, lors d'une élection partielle, du siège de député de Nancy, mais échoue dans sa tentative de déposséder le Premier ministre Chaban-Delmas de son siège de Bordeaux à l'automne. Ce qui ne l'empêche pas d'évincer à l'automne de 1971 Maurice Faure de la présidence du Parti radical et de former un mois plus tard, avec le Centre démocrate de Jean Lecanuet et de petites formations centristes, le Mouvement réformateur. Mais ce choix centriste provoque l'éclatement du Parti radical dont l'aile gauche, conduite par Maurice Faure et Robert Fabre, fait scission en 1972 pour rejoindre les partis de gauche.

L'expérience réformatrice échouera du fait des rivalités entre Jean Lecanuet et Servan-Schreiber, le premier choisissant[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

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