JAMIN JEAN (1945-2022)
Né le 26 avril 1945 à Charleville-Mézières, Jean Jamin a fait des études de philosophie, de sociologie et d’ethnologie à la Sorbonne et à la VIe section de l'École pratique des hautes études, sous la direction de Georges Balandier, de Denise Paulme et Marc Augé. Il effectue ses premières enquêtes ethnohistoriques sur un mouvement insurrectionnel du Kenya, la « révolte des Mau-Mau » (1952-1957). Il est recruté à l’ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique outre-mer) comme élève chercheur en 1971 et ouvre son premier terrain ethnographique sur l'initiation chez les Sénoufos de Côte d’Ivoire. De cette étude datent ses intérêts pour la fonction sociale du secret dont il poursuit l'analyse, en France et en Belgique wallonne, au sein de sociétés de chasseurs et de piégeurs. Il s'agit d'analyser les modes de transmission des savoirs dits populaires ou traditionnels et, à l'inverse, leurs mécanismes de rétention (Les Lois du silence. Essai sur la fonction sociale du secret, 1977).
Entré au département d'Afrique noire du musée de l'Homme en 1977, il fonde en 1984 un département d'archives de l'ethnologie auquel est rattachée, en 1986, la revue Gradhiva, créée avec Michel Leiris, dont il deviendra l'exécuteur testamentaire en 1990. Consacrée à l’histoire et à l’épistémologie de la discipline, la revue publie des archives et des matériaux inédits, en provenance de fonds privés ou publics. Elle s'emploie à restituer la physionomie originale de l’ethnologie française, attentive aux résonances entre savoir, poésie, arts plastiques et musique, entre rigueur documentaire et imagination poétique. L'intérêt pour les archives de la discipline est au cœur de la grande enquête sur la célèbre mission transafricaine Dakar-Djibouti (1931-1933) conduite par Marcel Griaule, qui fonde l’ethnologie moderne (Le Cercueil de Queequeg. Mission Dakar-Djibouti, mai 1931-février 1933, 2014). Le travail éditorial qui aboutit au volume consacré à Michel Leiris (Miroir de l'Afrique, 1996) illustre, à merveille, l'attachement de Jean Jamin au dialogue du texte et de l'image. Maître de conférences, puis directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, il est en 1993 l'un des membres fondateurs du Centre d'anthropologie des mondes contemporains, dirigé par Marc Augé. En 1997, il succède à Jean Pouillon à la rédaction de la revue française d'anthropologie L'Homme et rejoint le Laboratoire d'anthropologie et d'histoire de l'institution de la culture (LAHIC),auprès de Daniel Fabre.
Dans les années 1980-1990, Jean Jamin a par ailleurs été conseiller scientifique des expositions du Musée d'ethnographie de Neuchâtel (Suisse), montées par Jacques Hainard (Collections Passions, 1982 ; Le Corps enjeu, 1983 ; Temps perdu/temps retrouvé, 1985 ; Le Mal et la douleur, 1986 ; Le Trou, 1990 ; Le Musée cannibale, 2002), ainsi que conseiller scientifique de l’exposition Leiris & Co, organisée en 2015 au Centre Pompidou-Metz.
Ses nombreuses éditions critiques de l'œuvre ethnologique et littéraire de Michel Leiris l'incitent à réorienter ses recherches vers une anthropologie de la littérature (Littérature et anthropologie, 2018), en explorant les tensions et les écarts qui existent entre un auteur et son œuvre (Faulkner. Le Nom, le sol et le sang, 2011). Parallèlement, il pose les principes d'une anthropologie du jazz, avec l'ethnologue Patrick Williams et le musicologue et mathématicien Marc Chemillier, à propos des transformations du blues et de ses différentes adaptations aux techniques modernes de production (Une anthropologie du jazz, 2010).
Jean Jamin meurt le 21 janvier 2022 à Paris.
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Écrit par
- Giordana CHARUTY : directrice d'études, École pratique des hautes études, anthropologue
Classification
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