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SURIN JEAN JOSEPH (1600-1665)

Jésuite dont on a retenu qu'il fut envoyé (en 1634) comme exorciste auprès des célèbres ursulines « possédées » de Loudun, mais dont l'importance tient avant tout à son expérience mystique et au fait qu'il fut un des grands spirituels du xviie siècle français.

« Pour porter des paroles d'amour de votre part, j'irai avec une trompette d'or, au milieu des places... » Jean Joseph Surin est parti en aventurier, en gentilhomme gascon, pour les régions inconnues de l'esprit ; mais, quand il parle ainsi, il est atteint depuis vingt ans par la « folie » qui le retient, paralysé, dans le « cachot » d'une infirmerie, au collège de Bordeaux. Il a été pris aux pièges du voyage. Il rêvait d'une bataille où se jeter à corps perdu, « ne trouvant rien de plus beau qu'un coup d'épée reçu au travers du corps, me faisant mourir », disait-il. Le coup lui est venu, mais plus traître, du fond de lui-même. Ce qu'il dit encore, il l'a appris de cette blessure même, bien après la hardiesse des premiers départs. S'il est « l'homme peut-être le plus mystique du xviie siècle » (Malley), c'est parce que d'Artagnan est devenu Job.

Sa correspondance révèle, comme à l'état sauvage, un génie ardent et blessé. Il aime trop la vérité pour chercher à être exemplaire. Il témoigne, il souffre de l'amour sans aucun souci, et peut-être sans avoir assez le souci des limites qu'il outrepasse. Ce qu'il sait de l'absolu qui détruit et refait, il l'expérimente sans être délivré de son mal ni cesser de pousser l'audace jusqu'à la témérité. Rapide, intransigeant, il poursuit sa course. Mais c'est en claudiquant, depuis ce jour de 1645 où, saisi d'une impulsion qui symbolise le geste de sa vie, il s'est jeté d'une fenêtre et brisé la jambe ; c'est aussi, très longtemps, poussé par l'angoisse qui est, dès ses premières années, le bruit d'une image insaisissable ; c'est en poète et, dit-il, en « enfant perdu » ; c'est encore avec sa sensibilité de lettré, avec son ironie et sa passion d'intellectuel ; c'est en militant, ami des « pauvres » paysans et circulant dans les campagnes rongées par la misère ; en robin rompu aux subtilités du style parlementaire ; en gentilhomme qui désigne son humiliation même comme « un beau bouquet sur son chapeau ».

Quand il sort du « tombeau » après vingt ans de maladie (1635-1655), il écrit ses ouvrages les plus importants. S'il a connu tous les désastres, son œuvre presque entière a subi un sort analogue : le lecteur se promène aujourd'hui parmi des ruines. Déjà, les livres publiés au xviie siècle ne correspondaient nullement au vaste dessein conçu et réalisé par leur auteur, en particulier à l'ensemble composé de quatre tomes et intitulé Catéchisme spirituel... Les éditeurs puisaient à leur gré, pour des publications à succès, dans le fonds des manuscrits dont ils avaient communication. Une grande partie de ces textes a, de ce fait, disparu : un Traité de l'amour, un Traité de la perfection, un Traité des secrets de la grâce, un Discours justificatif des choses mystiques, une Explication de diverses questions mystiques. Une autre partie a été librement exploitée pour être donnée au public : les Cantiques (Bordeaux, 1660), le Catéchisme spirituel... (2 vol., Rennes-Paris, 1657-1663), les Fondements de la vie spirituelle (Paris, 1667), les Dialogues (3 vol., Paris, 1700-1709), Le Triomphe de l'amour (Paris, 1829). De certaines de ses œuvres, qui circulaient sans pièce d'identité, transcrites, réexpédiées et reproduites sans contrôle par des mains plus dévouées qu'expertes, quelques-unes furent saisies au passage et publiées telles quelles, ainsi le manuscrit dont « un ecclésiastique » trouva une copie[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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