TAILLASSON JEAN JOSEPH (1745-1809)
Peintre méconnu, Jean Joseph Taillasson acquit, du moins de son vivant, une notoriété honorable avant de sombrer dans l'oubli. Mais son grand mérite est d'être représentatif du courant néo-classique. Provincial, Taillasson quitte son milieu bordelais pour apprendre à Paris le métier de peintre d'histoire — le seul qui soit noble, qui permette de faire une carrière officielle, d'être confronté aux plus grands. C'est l'époque où la peinture d'histoire connaît un renouveau puissant, sous l'impulsion du pouvoir (Marigny), des écrivains (Diderot) et des archéologues (Caylus). Vien est le maître parisien le plus renommé, en dépit de son manque d'imagination et d'une exécution souvent décevante. Taillasson sera son élève, comme David, plus jeune de trois années. Après plusieurs échecs au concours de Rome et l'obtention d'un troisième prix, il fait le voyage d'Italie à ses frais. À son retour, il est agréé à l'Académie (1783) avec une Naissance de Louis XII (musée du château de Pau), œuvre significative du goût des peintres de la fin du xviiie siècle pour l'histoire nationale. À partir de 1783, Taillasson exposera régulièrement au Salon jusqu'à sa mort. Ses œuvres sont toujours commentées et figurent en bonne place parmi les productions des principaux peintres français. Pour la plupart, les thèmes sont tirés de l'histoire antique, certains étant appelés à connaître le succès sous d'autres pinceaux, comme La Maladie d'Antiochus en 1785, Électre et Virgile lisant l'Énéide à Auguste en 1787, La Mort de Sapho en 1791. Il s'agit en fait d'illustrations fidèles de récits littéraires, propres à toucher une sensibilité éveillée aux grands exemples de l'Antiquité. D'autres toiles reflètent une inspiration plus légère, malgré la technique maladroite du peintre, comme Le Printemps, ou Flore ramenant l'Amour à la Nature (Bowes Museum, Barnard Castle). Il a aussi de véritables mises en scène dignes du théâtre de la vertu révolutionnaire, comme Timoléon à qui les Syracusains amènent des étrangers (1796, musée de Tours). Si les thèmes correspondent au contexte politique, leur composition s'inspire directement de Poussin, dont Taillasson est un fervent admirateur. Cela donne aux personnages un aspect particulier en les isolant, et une valeur expressive traduite par des gestes volontairement arrêtés et prolongés dans le temps ; c'est le cas pour la figure de Héro se lamentant sur le corps de Léandre (1798, musée de Blaye). Car c'est avant tout l'expression qui intéresse le peintre, le pousse à reprendre sans cesse les détails, au grand détriment de l'effet pictural souvent emprunté et laborieux. Tempérament inhibé, Taillasson ignore les possibilités de la palette d'un David et ne cherche pas à unifier ses compositions comme Peyron ; son style, néanmoins, demeure personnel et correspond bien à une esthétique dont nous trouvons la formulation dans deux ouvrages, Le Danger des règles dans l'art (1785) et Observations sur quelques grands peintres avec un précis de leur vie (1807), dont il avait donné la plupart des textes dans le Journal des arts dirigé par Landon. On y trouve un sens réel de la critique d'art, une attention aux principales caractéristiques du style des peintres, et il est probable que ces ouvrages ont eu quelque importance sur la génération de l'Empire (mentionnons que, dès 1802, Taillasson a publié les Chants de Selma d'Ossian, qu'il avait traduits librement en vers). La place du peintre est à reconsidérer en raison du regain d'intérêt dont bénéficie le néo-classicisme dans les publications (R. Rosenblum, Transformations in Late Eighteenth Century Art, 1967) comme dans les expositions. L'art de Taillasson fait preuve d'une fidélité à[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
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