JOUVENET JEAN (1644-1717)
Jeune peintre rouennais installé à Paris, Jouvenet est remarqué par Charles Le Brun, qui l'intègre à l'équipe des décorateurs des résidences royales : Saint-Germain-en-Laye, Les Tuileries et Versailles, où il peint avec Audran et Houasse dans le pur esprit de Le Brun. Il se détache assez tard de cette influence et reste toute sa vie un admirateur de Poussin. Ce grand travailleur n'ira jamais à Rome et il ne quitte Paris que rarement. Après avoir peint le mai des Orfèvres pour Notre-Dame de Paris (1673), Jouvenet entreprend le cursus du peintre officiel au sein de l'Académie : il y est successivement agréé, reçu, nommé professeur adjoint, recteur adjoint, directeur puis recteur. Son style s'accommode des grands espaces en hauteur, où joue l'effet de perspective ; il peint en effet de nombreux plafonds dans des hôtels parisiens avant d'exécuter en 1695 celui du parlement de Rennes. Mais, l'orientation que prend Jouvenet, à plus de quarante ans, lui vaut la célébrité et la faveur de Louis XIV : il se consacre alors essentiellement aux grandes « machines » d'églises, aux monumentales compositions traitées avec célérité et vigueur. Jouvenet est devenu le spécialiste incontesté des grands décors religieux de la fin du règne : le dôme de l'église des Invalides, où il peint les douze apôtres (en 1704) et la tribune de la nouvelle chapelle royale de Versailles (1709). Son activité ne s'arrête pas malgré l'âge et la paralysie de la main droite : en 1713, il peint le plafond du parlement de Rouen. L'évolution de l'art de Jouvenet a fait de lui un peintre personnel au sein de la tradition. Par son genre : la peinture religieuse, il se distingue de sa génération en France. Parti d'un style proche de celui de Le Brun, en plus libre et en plus vivant, Jouvenet s'intéresse à l'expression des grands effets dramatiques traduits avec mouvement et énergie, en l'absence de toute imagination, de toute invention. Des plans forts et de grandes diagonales établissent cette « ordonnance pittoresque » souvent admirée. Le coloris est très uni, éclairé par des surfaces de couleurs vibrantes. Mais une des grandes qualités de Jouvenet est son sens presque véhément de la réalité : les portraits qu'il a peints en sont un exemple plein de sobriété et de réserve. C'est le seul peintre de cette époque qui peut unir le classicisme au solide naturalisme qui fait le fond de son tempérament. Ses compositions s'animent de scènes vivantes, de formes précises comme les poissons de La Pêche miraculeuse pour laquelle le peintre ira jusqu'à faire un voyage au port de Dieppe. Le grand succès de Jouvenet est attesté par les nombreuses copies et les gravures diffusées jusqu'à la fin du xviiie siècle. Par l'originalité de son orientation — la peinture religieuse au moment où triomphe un art plus « aimable » en France — comme par la vigueur de son expression et la présence de son réalisme, Jouvenet s'affirme comme l'équivalent français des grands créateurs baroques contemporains. Pour la génération néo-classique formée par Vien, il sera l'un de ceux qui ont transmis la continuité du sérieux et du souffle indispensables à la peinture d'histoire.
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
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AUTOPORTRAIT, peinture
- Écrit par Robert FOHR
- 3 573 mots
- 6 médias
...poses « artiste » : sir Joshua Reynolds (1753-1754, National Portrait Gallery, Londres) met la main en visière, pour voir mieux et plus loin sans doute, Jean Jouvenet (vers 1695, musée des Beaux-Arts, Rouen) pointe un index glorieux vers le plafond qu'il est en train de peindre... D'autres enfin rusent...