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JULLIEN JEAN (1854-1919)

Auteur dramatique français, théoricien et critique de théâtre, Jean Jullien fut un observateur exigeant de la vie théâtrale du tournant du xixe siècle. De lui on ne retient souvent que sa définition de la pièce de théâtre comme une « tranche de vie », expression célèbre mais mal comprise : en effet, en voulant qualifier son propos de naturaliste, on omet de préciser que cette « tranche de vie » doit être nécessairement « mise sur la scène avec art ». Personnage sous-estimé, attaqué par une grande partie des critiques, Jean Jullien n'en joua pas moins un rôle déterminant dans la vie artistique de son époque. Son œuvre tire sa valeur de la modernité qu'elle annonce et de l'« écart esthétique » qu'elle réalise avec cet « art culinaire » qu'ont dénoncé, au xxe siècle, aussi bien Brecht ou Artaud que Vilar.

Jean Jullien s'engage tardivement dans la voie du théâtre. La plus grande partie de sa vie d'artiste se déroule de 1880 à 1910 – au cœur même de la naissance de l'art de la mise en scène et du concept de « théâtre d'art », appelé à connaître une fortune considérable, notamment à travers les travaux de Craig, Stanislavski ou Copeau. La théâtralité se trouve alors reformulée à partir d'une interrogation sur le rapport du théâtre et de la vie, que celle-ci soit matérielle ou spirituelle, et ce en mettant en question la « pièce bien faite », canonisée dans l'écriture d'un Scribe et dans les pratiques du Boulevard. Selon Jean Jullien, le théâtre ne redeviendra un art, au même titre que la peinture ou la musique, que si, soumis aux idées, il s'inscrit dans la vie afin de combattre l'illusion mensongère véhiculée par les conventions poussiéreuses du théâtre bourgeois. C'est cette réflexion d'ordre éthique, social et philosophique qui l'amène dans un premier temps à suivre la voie naturaliste et les idées de Zola. Parmi les « combattants de la première heure », il participe de 1887 à 1890 à l'aventure du Théâtre-Libre d'Antoine, pour lequel il écrit trois pièces : La Sérénade (1887), L'Échéance (1889), Le Maître (1890). Les deux premières, sortes de « comédies rosses » inspirées d'Henry Becque, contribuent à fonder le « genre Théâtre-Libre ». Épris de nouveautés et de confrontations artistiques, il crée et dirige la revue Art et critique (1889-1891) dont les maîtres mots sont éclectisme et liberté d'expression. C'est dans le no 63 du 9 août 1890 qu'il expose pour la première fois sa théorie du « théâtre vivant ».

En septembre 1891, les représentations de La Mer à l'Odéon – une pièce charnière dans son parcours – marquent définitivement la rupture de Jean Jullien avec le naturalisme et son intérêt grandissant pour le symbolisme, la « réalité d'âme » et la pantomime. Il entretient alors avec Lugné-Poe une chaleureuse complicité qui jouera un rôle important dans les orientations du théâtre de l'Œuvre. Après une vigoureuse campagne de presse conduite au prestigieux quotidien Paris (de 1892 à 1894), qui l'amène en 1896 à publier le deuxième tome du Théâtre vivant, il quitte la scène publique pendant quatre années. À partir de 1900, il donne à nouveau des pièces : La Poigne (1900), L'Écolière (1901), L'Oasis (1903)... Commence alors sa période de philosophie sociale, durant laquelle il aborde la question du pouvoir. Jean Jullien nourrissait en effet un idéal de vertu sociale, de probité et de générosité qu'il pensait réalisable par la démocratie. Mais à travers ce thème, il exprime aussi le cœur même de sa problématique : sa difficulté à vivre la confrontation de son idéal dramatique avec une réalité professionnelle souvent brutale.

Inspiré par les idées d'Henry Baüer, Jean Jullien[...]

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