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KERCHBRON JEAN (1924-2003)

Avec Jean Kerchbron, réalisateur, scénariste et adaptateur, décédé à Neuilly-sur-Seine, à l'âge de soixante-dix-huit ans, le 3 février 2003, disparaît l'un des grands pionniers de la télévision française. Né à Paris, le 24 juin 1924, d'origine juive, il rejoint la Résistance ; capturé et condamné à mort, il s'évadera. À la Libération, il achève des études d'ingénieur électrotechnicien, entre comme ingénieur du son, puis metteur en ondes, à la Radiodiffusion française, avant de rejoindre la toute petite équipe d'une télévision encore très artisanale. La même année 1950, il réalise une série documentaire, Les Villages de Paris, et consacre plusieurs émissions à la musique. Comme les quelques réalisateurs de l'époque, il aborde tous les genres, et notamment les variétés (Cabaret du soir, 1958 ; Du Caf'conc' au music-hall, 1960-1964) ; mais c'est avec les dramatiques qu'il va se distinguer. Inventif, Jean Kerchbron croit en la spécificité d'un langage télévisuel fondé sur le rapport très particulier qui se nouerait entre les acteurs et les téléspectateurs. Il considère comme une mission de dépoussiérer les grands textes du théâtre classique pour les proposer au public déjà considérable de la télévision. Militant de « la télévision des professeurs », il parvient à imposer l'alexandrin au petit écran, ce qui lui vaudra le surnom de Britannicus. Il réalise et adapte successivement, de Racine, Bajazet (1958), Britannicus (1959) dont la critique salue les audaces de mise en scène, la virtuosité des mouvements de caméra et l'originalité du décor, Bérénice (1959, grand prix de la critique de télévision), Iphigénie (1965), Phèdre (1980) ; de Corneille, Horace (1963), Cinna (1964) ; de Molière, Georges Dandin (1954), Le Misanthrope (1959), etc. Une prédilection le porte vers le théâtre de Victor Hugo : il adapte ou co-adapte et réalise Mangeront-ils ? (1957), Hernani (1961), Marion Delorme (1967), L'Homme qui rit (1971), Torquemada (1976).

Avec Henri Noguères comme co-scénariste, Jean Kerchbron réalise plusieurs séries dont l'une, L'histoire dépasse la fiction (1960-1961), évoque des personnages romanesques, une autre transpose dans le domaine de la fiction plusieurs épisodes réels de la Résistance, tandis qu'une troisième, Le Nouveau Journal des voyages, est dédiée aux grands voyageurs. Avec Louis Pauwels, il s'inspire de deux grands mythes, Faust (Président Faust, prix Albert Olivier, 1971) et Don Juan (Les Roses de Manara, 1976). Outre son Britannicus, ses réalisations les plus marquantes sont l'adaptation, d'après Pierre Benoit, de Kœnigsmark (1968) et de L'Atlantide (1971), aux décors insolites et à l'inspiration romantique. À nouveau avec Louis Pauwels, il adapte Le Golem (1967), de Gustav Meyrink, dans un époustouflant dispositif scénique de Jean Gourmelin. En 1984, il adapte Le Château de Kafka, en ménageant une fin ouverte. Ont également jalonné une œuvre riche de plus de cent fictions, Les Eaux mêlées (1969), d'après Roger Ikor, sur l'intégration, en France, d'une famille juive et russe, L'Équipe (1972), d'après Francis Carco, Voyage dans les Cévennes avec un âne, d'après Stevenson, La Main coupée (1978), d'après Blaise Cendrars, Le Piège à loups (1981), d'après Vercors, Les Beaux Quartiers, d'après Aragon, Grand Hôtel (série, 1986), La Baleine blanche, sur un scénario de Jacques Lanzmann. Touche-à-tout, Kerchbron s'est aussi essayé au policier dans plusieurs séries (Commissaire Moulin, Les Enquêtes du commissaire Maigret). Son talent et son éclectisme, sa prolixité, en ont fait un réalisateur aussi apprécié que populaire. Réfléchissant sur l'évolution du média télévision, il a conduit quelques expériences de télévision interactive.[...]

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Écrit par

  • : rédacteur en chef de la revue Télévision française, La Saison

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