LE POULAIN JEAN (1924-1988)
Venu du Cambodge où il naquit en 1924 et où il vécut durant sa jeunesse, Jean Le Poulain, après avoir obtenu un premier prix de comédie au Conservatoire (1949), entre au Théâtre national populaire. On l'y voit notamment dans Les Caprices de Marianne (1952), Le Prince de Hombourg (ibid.), plus tard dans Mère Courage (1959). Entré à la Comédie-Française en 1978, il en deviendra l'administrateur général en 1986.
Comédien en belle humeur, pratiquant un art de l'excès où tout s'accorde dans la grimace et le génie du grimage, Jean Le Poulain cachait pourtant en lui une secrète violence. Aérien et sphérique, en un instant il devenait dense, et pesait d'un poids surprenant. Avec Le Pain dur, dont il assura également la mise en scène à la Comédie-Française en 1982, il chaussa les bottes de Claudel et devint un Turelure presque féroce, très inquiétant. Ou bien encore il fut en 1958 le baron Massacre dans La Hobereaute d'Audiberti, capable de créer l'effroi et d'inspirer le malaise. Le farceur devenait ogre. Dans Un pour la route, en 1987, il fut aussi le bourreau rêvé par Pinter, œil dur et bouche maussade. Ces avatars étonnaient. Un jour, il était Poche, souffre-douleur chez Feydeau, aux ahurissements hilarants ; le lendemain, Arnolphe, comique et sombre, le cœur déchiré, tel que Molière l'avait voulu. D'où des malentendus qui ne laissèrent point toujours sa chance à un acteur dont le tempérament très changeant offrait de contradictoires ressources. L'ombre du farceur planait sur lui, ce qui en France, où l'on n'aime point mélanger les genres, crée la méfiance. Et c'est dommage, car cet acteur avait la carrure d'un Falstaff, une très shakespearienne présence, insolite et déconcertante. Un épailleur de chair, une vie secrète, presque un mystère.
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Écrit par
- Pierre MARCABRU
: critique dramatique au
Figaro
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