FERRIER JEAN-LOUIS (1926-2002)
Tout au long de sa vie d'historien d'art, Jean-Louis Ferrier n'a cessé de vouloir rendre l'art accessible au plus grand nombre, comme en témoignent d'ailleurs ses activités d'enseignant, d'éditeur et de critique qu'il mena toujours simultanément.
Né le 27 juin 1926 à Neuchâtel en Suisse, Jean-Louis Ferrier est mort à Paris le 16 juin 2002. L'obtention d'une bourse de la fondation suisse pour la culture Pro Helvetia le conduit à Paris en 1953. Ses centres d'intérêt l'entraînent dans le sillage de Pierre Francastel, titulaire de la chaire de sociologie de l'art à l'École pratique des hautes études, qui vient de publier Peinture et société (1951) ; là s'engage un renouveau décisif dans l'approche et la lecture des œuvres dont Ferrier prendra plus tard sa part : pendant vingt-cinq ans, il dirige la collection Bibliothèque Médiations chez Denoël-Gonthier où il publie l'essentiel des travaux de Francastel et organise, en 1974, un colloque consacré à son œuvre avec la participation de brillants chercheurs autour de Jacques Le Goff, Georges Duby et Roland Barthes. Quand il soutient sa thèse de doctorat en philosophie (L'Homme dans le monde) à l'université de Neuchâtel en 1957, Jean-Paul Sartre – avec qui la rencontre fut primordiale – lui a confié depuis deux ans la chronique artistique des Temps modernes où il affûte sa plume. Sa causticité sera souvent redoutée quand il deviendra le directeur de la rubrique littéraire de L'Express (1966-1978) puis le critique d'art de l'hebdomadaire Le Point (1979-1994). Il contribuera aussi à d'autres revues comme Les Annales, Arts, Connaissance des Arts, XXe siècle, Critique ou Médiations, dont il coordonnera le comité de rédaction composé, entre autres, de Michel Butor, Hubert Damisch, Lucien Goldmann, Octavio Paz, Alain Robbe-Grillet et Jean-Clarence Lambert.
C'est tout à la fois l'éclectisme de son goût, nourri par le refus des systèmes, et sa curiosité d'esprit, rendue plus vive par sa conviction de l'interdisciplinarité de la sociologie de l'art, qui le conduiront, dans ses travaux, à des choix parfois paradoxaux. Jean-Louis Ferrier entretient l'image d'un homme inclassable, cultive la provocation. Sa démarche d'écrivain d'art – où apparaît le plus clairement une nouvelle manière d'analyser les œuvres – l'a mené à écrire sur des artistes très divers et à défendre une pratique classique de la modernité, à étudier l'art brut et l'art des malades mentaux, à publier un ouvrage solidement documenté sur les Fauves, à signer de nombreuses préfaces de catalogues d'expositions ou encore à réaliser pour la télévision plusieurs films (Holbein, Picasso, Dalí) de la série « Anatomie d'un chef-d'œuvre ». Son esprit ouvert et curieux se conjuguait toutefois avec des points de vue exclusifs qui l'amenèrent à faire paraître des textes mordants sur Daniel Buren puis, sous le titre Les Trois Mirifiques, sur Giovanni Anselmo, Christian Boltanski et Jean-Pierre Raynaud. Le ton excessivement sarcastique de ces textes, s'il avait le mérite de trancher sur le discours dominant, les rangeait dans la catégorie des pamphlets, contrastant avec ses études plus anciennes comme celles sur l'art abstrait ou le pop art réunies dans La Forme et le sens (1969) devenu aujourd'hui un texte de référence.
Son esprit non conformiste se manifesta encore dans la direction (avec Yann Le Pichon) d'une Aventure de l'art au XXe siècle, importante chronologie retraçant un siècle de création et de vie artistique. Rencontrant un réel succès auprès d'un vaste public, cet ouvrage, complété et réédité plusieurs fois, ne remporta pourtant pas les suffrages des universitaires peu enclins à voir l'histoire de l'art traitée[...]
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Écrit par
- Philippe BOUCHET : historien de l'art
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