FORAIN JEAN-LOUIS (1852-1931)
Peintre, dessinateur, graveur, témoin de la Belle Époque comme de la Première Guerre mondiale, Jean-Louis Forain a connu une grande célébrité de son vivant. L'artiste, reconnu dès qu'il intègre la mouvance impressionniste, l'est plus encore par l'esprit caustique des dessins qu'il donne à une presse alors à son apogée.
Né à Reims le 23 octobre 1852, Forain manifeste très tôt un goût pour le dessin. Dès l'âge de quatorze ans, à Paris où ses parents se sont installés, il fréquente régulièrement le musée du Louvre. Le peintre Jacquesson de la Chevreuse l'initie aux techniques du dessin. Après un bref séjour à l'école des Beaux-Arts dans l'atelier de Gérôme, il est invité à rejoindre celui de Carpeaux avant d'en être injustement exclu. Chassé pour cette raison du domicile familial, il se retrouve à la rue à dix-sept ans. Commence alors une vie de bohème. Forain fait la connaissance de Verlaine, qui l'introduit dans les salons mondains où il côtoie Manet, Anatole France, Charles Cros, Goudeau, Rimbaud... Pour survivre, il réalise des enseignes, des portraits et des lithographies commerciales. Au café La Nouvelle Athènes, il rencontre Degas auquel le lient de nombreuses affinités, notamment des motifs picturaux communs (danseuses, univers du théâtre, courses de chevaux, nus...). L'intérêt que montre Degas pour Daumier et Gavarni révèle à Forain son goût pour le dessin satirique, après sa découverte de Goya à la Bibliothèque impériale. En couverture du Scapin (1876) paraît son premier dessin sous le pseudonyme de A. Zut. Forain se lie d'amitié avec Huysmans, dont il fait le portrait en pastel (vers 1878) et illustre d'une eau-forte la seconde édition de son roman Marthe. Histoire d'une fille (1879).
Parmi l'œuvre peint de l'artiste, notons Le Buffet (1884), accepté au Salon des artistes français, le Champ de courses (1884-1885), le portrait de sa femme (Madame Jeanne Forain au chapeau noir, 1891), de la Comtesse Anna de Noailles (1905) et le très sensible Portrait de Marie de Régnier (1907). Entre 1890 et 1909, Forain, inspiré par les lieux de prostitution, réalise des lithographies où s'exprime sa maîtrise des effets d'ombre et de lumière. Pour Le Café Riche, un haut lieu mondain de Paris, Forain peint dix-sept cartons destinés à une frise de mosaïques en façade, une innovation décorative réalisée par Facchina en 1894. Les figures, pleines de vie, ont un charme indéniable et témoignent de l'influence du japonisme dans l'œuvre de Forain.
À partir de 1887, introduit par Ambroise Vollard à l'hebdomadaire illustré Le Courrier français, il côtoie Willette, Steinlen et renonce provisoirement à la peinture pour donner des dessins à la presse. Il met en scène ses contemporains, les mœurs légères des danseuses, petites femmes et lorettes, riches bourgeois, domestiques... Une légende généralement ironique accompagne un motif qui ne déforme pas, mais simplifie. Le dessin de Forain montre la logique cynique d'une Belle Époque cruelle pour les plus faibles. L'artiste se forge ainsi une réputation de journaliste pamphlétaire. Le dessin de presse lui procure une grande célébrité et une source de revenus remarquable, dès 1891 avec une fructueuse collaboration au Figaro (1885-1925). Il contribue à plus de soixante titres de presse, du Gil Blas (1889) à La revue illustrée (1887-1893), du Journal amusant (1886-1899) au Rire(1894-1904), etc. En 1889, il lance Le Fifre, un hebdomadaire satirique qui ne dure que quinze numéros. Dès 1892, un recueil de dessins paraît sous le titre de La Comédie parisienne. D'autres suivent comme Rires et grimaces (1895), Doux Pays (1897).
Avec l' affaire Dreyfus, Forain abandonne la caricature de mœurs, et s'engage dans un combat d'une autre nature. Avec Caran d'Ache – et le soutien de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Cécile COUTIN : conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France
- Nelly FEUERHAHN : chercheuse honoraire au CNRS
Classification
Média
Autres références
-
CARAN D'ACHE EMMANUEL POIRÉ dit (1859-1909)
- Écrit par Marc THIVOLET
- 1 011 mots
Emmanuel Poiré, dit Caran d'Ache (ce pseudonyme est une translittération fantaisiste du mot russe qui signifie « crayon »), est né à Moscou. Il est le descendant d'un grognard de l'Empire, qui, par amour, était demeuré en Pologne avant de se fixer définitivement en Russie. Caran d'Ache restera fidèle...
-
CARICATURE
- Écrit par Marc THIVOLET
- 8 333 mots
- 8 médias
...conformisme. L'exploitation du mécontentement va souvent de pair avec le confusionnisme politique. Au cours de l'affaire Dreyfus, les caricaturistes ( Forain, Léandre, Caran d'Ache, Willette), qui prenaient l'ordre bourgeois pour cible, n'ont pas hésité à confondre ce dernier avec les Juifs. La simplification... -
PSST...! (févr. 1898-sept. 1899)
- Écrit par Marc THIVOLET
- 686 mots
La publication de Psst... !, hebdomadaire de quatre pages, tiré en noir, correspond à une période très précise de l'affaire Dreyfus : celle de la révision. À la suite de différentes révélations tendant à mettre en doute la culpabilité du capitaine, à mettre en cause un autre officier du nom d'Esterházy...