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LEUTRAT JEAN-LOUIS (1941-2011)

Historien de la littérature et du cinéma. Né en 1941 à Vichy, professeur agrégé, Jean-Louis Leutrat enseigne d'abord à Grenoble, puis, devenu professeur des universités, à Paris-III-Sorbonne nouvelle. Il sera par la suite président de cette université de 1996 à 2001. Son œuvre se situe résolument au carrefour des différents domaines artistiques que sont la littérature, le cinéma et la peinture. Exemplaire est à ce titre Nosferatu (1981). Dans cet ouvrage écrit en collaboration avec Michel Bouvier et dans une analyse du film poursuivie photogramme après photogramme – ce qui constituera la base de sa lecture des œuvres –, Jean-Louis Leutrat rend compte de toutes les sources et résonances, conscientes et inconscientes, du chef-d'œuvre de Murnau, selon une méthode que l'on pourrait dire iconographique. Le livre – qui comporte aussi une riche anthologie des textes consacrés au film – fut préfacé par Julien Gracq, dont il avait coordonné un numéro des Cahiers de l'Herne (1972) et auquel il consacra un bel essai en 1991. Jean-Louis Leutrat ne cessera d'approfondir le type d'approche inauguré avec ses premiers livres, et cela dans trois directions essentielles : le western (Le Western, 1987 ; La Prisonnière du désert : une tapisserie navajo, 1990 ; L'Homme qui tua Liberty Valance, 1997 ; Splendeur du western, avec Suzanne Liandrat-Guiges, 2007) ; le fantastique (Vie des fantômes, 1995 ; Un autre visible, 2009) ; l'exploration de quelques grandes œuvres cinématographiques (Jean-Luc Godard, simple comme bonjour, avec S. Liandrat-Guigues, 2004 ; Échos d'Ivan le Terrible, 2006 ; Alain Resnais. Liaisons secrètes, accords vagabonds, avec S. Liandrat-Guigues, idem.). Il a également publié des essais où se trouve synthétisée sa conception du cinéma (Kaléidoscope, 1988 ; Le Cinéma en perspective : une histoire, 1992 ; Penser le cinéma, avec S. Liandrat-Guigues, 2001). Dans le sillage de Barthélemy Amengual et de Gilles Deleuze, dans la proximité de Jean Starobinski dont l'érudition et la curiosité intellectuelle ne pouvaient que le séduire, Jean-Louis Leutrat, loin d'appliquer une théorie, s'attache à décrire « une forme qui pense », un art en mouvement où les signes – tant visuels que sonores – ne cessent de se faire écho. « L'apparaître et le disparaître appartiennent aux vrais sujets du cinéma comme du fantastique. » Méditation sur cette étrange équivalence, La Vie des fantômes est à ce titre exemplaire. À travers les films de Jacques Tourneur, Mario Bava, Alain Resnais ou H. J. Syberberg, on voit s'exprimer une pensée inédite du cinéma, capable de dialoguer, par son goût du détail révélateur autant que par son humour, avec quelques grands « transparents » – Breton, Roussel ou Borges.

— Gilles QUINSAT

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