ROBERT JEAN-LOUIS (1948-1979)
Pianiste, compositeur et pédagogue belge, Jean-Louis Robert, né en 1948 à Haine-Saint-Pierre (Hainaut), mort en mai 1979 dans un accident de voiture, s'est efforcé de modifier profondément les relations entre le compositeur, l'interprète et le public. Il est, en octobre 1971, l'un des premiers inscrits dans la classe de composition que vient d'ouvrir Henri Pousseur au Conservatoire de Liège. Il s'y livre à ses propres travaux de composition et collabore à la réalisation d'œuvres de Pousseur que ce dernier n'a pas le loisir d'effectuer lui-même (Quatrième Vue sur les jardins interdits et Parade de Votre Faust en 1974) ; il hérite de son maître le goût pour la forme « mobile », qui permet plusieurs lectures, plusieurs possibles, et inclut, le cas échéant, l'auditoire dans son déroulement même. Profondément influencé par Gustav Mahler, Jean Sibelius, les minimalistes et répétitifs américains – au premier rang desquels Steve Reich – et par les processus aléatoires de John Cage, mais aussi fasciné par l'utilisation des claviers et des percussions chez Olivier Messiaen, Jean-Louis Robert s'initie dans la classe de Pousseur à la technique des réseaux, par laquelle ce dernier réintroduit dans sa musique la couleur harmonique sans pour autant renoncer au sérialisme.
Le Cerisier éclaté, pour piano solo (1973), peut être considérée comme la première œuvre aboutie de Jean-Louis Robert. Il s'agit d'un « mobile » fondé sur un système singulier de « répétitions généralisées » (descendant des grandes périodes jusqu'à la pulsation élémentaire) accompagnées de transformations très lentes et diversifiées à l'extrême ; en relation symbiotique avec cette respiration structurelle, un traitement spécifique des réseaux harmoniques assure la cohésion interne du matériau sonore. Ainsi est-on porté par un flux de musique toujours renouvelé tout en restant lui-même.
Enseignant à l'Académie de Nivelles et au Conservatoire de Liège, responsable de l'atelier de langage musical du Centre de recherches et de formation musicales de Wallonie, fondé en 1970 à Liège par Henri Pousseur et Pierre Bartholomée, Jean-Louis Robert participe avec ces derniers et Philippe Boesmans à la création de l'ensemble Musique nouvelle. Il ajoute à ses qualités d'animateur celles d'organisateur de deux événements musicaux : le premier, en 1975 à Nivelles, sur le thème « Arbre des sources », pour lequel il compose sa pièce en quatre parties L'Arbre des sources, pour ensemble instrumental, le second, en 1976 au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, sur le thème « Miroir des eaux » ; c'est dans ce cadre qu'est créée sa superbe cantate en trois parties Le Verger perdu (1976), pour chœur mixte et quatre voix principales incorporées dans le chœur ou pour chœur mixte et instruments.
Jean-Louis Robert a composé une série de pièces très diverses mais s'inscrivant dans un projet de développement multiforme, les Lithoïde : Lithoïde I, Lithoïde III et Lithoïde IV, pour ensemble non déterminé, Lithoïde II, pour trois instruments non précisés ou pour cor, trompette en ut et trombone, Lithoïde V, pour violoncelle (1976), Lithoïde VI, pour violon, Lithoïde VII, pour orgue et trompette, Lithoïde VIII, pour quintette de cuivres (1977), dont les tempos sont laissés au choix des interprètes ; Lithoïde IX, pour hautbois, est inachevée. L'influence d'Edgar Varèse est manifeste dans l'alternance entre le hautbois et l'orchestre qui ouvre la pièce pour orchestre Aquatilis. Cette pièce, qui offre un maximum d'indépendance à l'orchestre – il commence et termine son interprétation en l'absence du chef –, est créée en 1977 par l'Orchestre de Liège sous la direction de Pierre Bartholomée. Ce dernier écrira à propos de [...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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