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BOUTTÉ JEAN-LUC (1947-1995)

Né à Lyon, à la fois acteur rare et metteur en scène, Jean-Luc Boutté commence son apprentissage au théâtre de Villeurbanne, au côté de Roger Planchon qui l'engage comme figurant dans ses mises en scène d'Henri IV et de Falstaff. Entré au Conservatoire national supérieur d'art dramatique à Paris en 1968, il en sort trois ans plus tard pour rejoindre, à vingt-quatre ans, la Comédie-Française. Pensionnaire promu sociétaire en 1975, il ne tarde pas à bousculer les sages traditions avec, la même année, un Misanthrope iconoclaste mis en scène avec la complicité de Catherine Hiegel sous le chapiteau des Tréteaux de France.

De fait, si, sur le plan de la forme, Jean-Luc Boutté rentre bientôt dans le rang, il ne cessera d'être fidèle à l'idée qu'il se fait d'un métier qu'il place sous le signe de la recherche extrême, fouillant jusqu'au plus profond des textes, en quête d'une indicible vérité.

Refusant les facilités que lui offre son image de beau ténébreux, il est l'acteur d'un jeu tout en épure et en violence froide, en austérité janséniste et en élégance raffinée. De Racine à Goldoni, de Tchekhov à Rezvani, dirigé aussi bien par Giorgio Strehler ou Jacques Lassalle que par Jean-Pierre Vincent, Jorge Lavelli ou Jean-Paul Roussillon, il marque de son empreinte chacun de ses rôles. Il sera tour à tour un Shylock exemplaire dans son humanité bouleversante, sous la direction de Luca Ronconi, un cardinal Cibo d'une force tranquille terrifiante dans le Lorenzaccio mis en scène par Georges Lavaudant, ou encore l'Arbénine empli d'une jalousie tragique dans le Bal masqué de Lermontov, créé à la Comédie-Française par Anatoli Vassiliev.

Metteur en scène, Jean-Luc Boutté fait partie de ceux qui révèlent Bernard-Marie Koltès avec La Nuit juste avant les forêts. Il s'attaque aux « classiques » avec la même honnêteté rigoureuse, qui le conduit le plus souvent à réaliser lui-même décors et costumes – qu'il s'agisse de Racine avec Britannicus, de Molière avec Le Bourgeois gentilhomme (qui lui vaut le prix Dominique de la mise en scène en 1986), Les Précieuses ridicules, L'Impromptu de Versailles, ou encore de Victor Hugo avec Le roi s'amuse, Lucrèce Borgia. Il tente aussi des échappées belles du côté des théâtres nationaux, comme le théâtre de la Colline où il monte Les Chaises de Ionesco, ou de théâtres privés où il met en scène La Volupté de l'honneur, avec Gérard Desarthe, L'École des femmes avec Jacques Weber, Maître de Thomas Bernhard avec Denise Gence et Henri Virlojeux – son dernier spectacle, créé deux jours avant sa mort. Entre-temps, il s'est confronté à l'opéra avec Il Tabarro, La Vie parisienne au Théâtre de Paris ou Adrienne Lecouvreur à l'Opéra Bastille en 1993.

— Didier MÉREUZE

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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    ...personnages de véritables sujets. Recentrant Le Barbier de Séville autour de Bartholo, admirablement interprété par Roland Bertin, la mise en scène de Jean-Luc Boutté (à la Comédie-Française en 1990) montrait à nu la mutation du statut du personnage conventionnel du barbon ou du docteur de la commedia...