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JEAN-LUC GODARD. RÉTROSPECTIVE

L’image questionnée

Le travail des années 1980-1990, qu’il se fasse en solo ou accompagné de Miéville, voit les formes de films se multiplier : longs-métrages, films-scénarios, lettres filmées, publicités, commandes d’entreprises. Ce dernier sous-genre est l’un des plus secrets et aiguisés de la filmographie de Godard. Le détournement mordant du Rapport Darty (commandé par Darty en 1989 et coréalisé avec Miéville) est un sommet d’humour. Miéville et Godard y jouent en voix off la secrétaire et le vieux robot d’une maison de production dont les patrons ont fui avec la caisse. Quant à Puissance de la parole (commandé par France Télécom en 1988), parions que l’entreprise ne s’attendait pas à une œuvre de vingt-cinq minutes qui, selon Luc Moullet, « figure parmi les dix principaux films de l’histoire du cinéma » (« Le film cosmique », Bref no 68, septembre 2005). Pellicule, vidéo analogique ou numérique, en deux minutes ou en dix heures de projection, le cœur du cinéma bat ici de toutes parts.

Plus proches de nous, les Histoire(s) du cinéma (1989-1998) et, à leur suite, une série d’essais peu vus en salle – The Old Place (1998), De l’origine du xxiesiècle (2000), Dans le noir du temps (2001), Liberté et patrie (2002) – ont constitué certaines des plus saisissantes projections de la rétrospective. Le grand écran leur a donné une dimension physique qui les relie aux dernières réalisations de Godard, de Film socialisme (2008) au Livre d’image (2018). Toutes continuent d’approfondir le travail formel et thématique engagé avec les Histoire(s) du cinéma, sans être de simples codicilles de l’ère numérique. Elles proposent une intensification des signes de son cinéma et accueillent les luttes du présent, de la Grèce de 2008 au monde arabe, en passant par la Catalogne. Leur montage, qui se place de plus en plus clairement sous le signe de la peinture, peut être comparé à la fureur qui anime les dernières toiles de Monet. À l’image de ce rectangle de toile blanche qui, dans The Old Place, semble se débattre, les plans et extraits de films que Godard réutilise depuis Histoire(s) du cinéma luttent et se revitalisent à mesure qu’ils s’abîment et se saturent. Signe de cette vitalité de son cinéma, Adieu au langage(2014)projetéen 3D et Le Livre d’image offrent des trouvailles optiques et sonores encore inédites. Jean-Luc Godard fait la démonstration que le cinéma, en embrasant le passé, continue de s’inventer et de formuler des révoltes possibles.

— Basile TROUILLET

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Média

<em>Le Livre d’image</em>, J.-L.Godard - crédits : Casa Azul Films/ Ecran Noir productions/ BBQ_DFY/ Aurimages

Le Livre d’image, J.-L.Godard