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GODARD JEAN-LUC (1930-2022)

Les années « Mao »

«La Chinoise», J.-L. Godard - crédits : UCLA Photo Collection/ Collection privée

«La Chinoise», J.-L. Godard

Dès 1967, avec La Chinoise, Jean-Luc Godard noue étroitement contexte politique et création cinématographique : « Cinquante ans après la révolution d'Octobre, le cinéma américain règne sur le cinéma mondial. Il n'y a pas grand-chose à ajouter à cet état de fait. Sauf qu'à notre échelon modeste nous devons nous aussi créer deux ou trois Vietnam au sein de l'immense empire Hollywood, Cinecittà, Mosfilms, Pinewood, etc., et tant économiquement qu'esthétiquement, c'est-à-dire en luttant sur deux fronts, créer des cinémas nationaux, libres, frères, camarades et amis. » Commence alors la période des films militants. De 1968 à 1972, Godard tente une expérience avec Jean-Pierre Gorin, Gérard Martin, Nathalie Billard, Armand Marco, où la notion d'auteur se dissout. Sous la signature collective du groupe Dziga Vertov sont notamment tournés Vent d'est (1969), Luttes en Italie (ibid.), Vladimir et Rosa (1971). Puis, de 1974 à 1979, c'est le travail avec Anne-Marie Miéville qui commence (après avoir vécu à Grenoble, les deux cinéastes s'installent à Rolle, en Suisse, en 1978). Les œuvres de cette époque sont toutes en vidéo (Numéro deux, 1975 ; France Tour Détour Deux enfants, 1977-1978). Pendant ces années, Godard vit une intense remise en question.

« Ne plus se contenter de textes vrais sur des images fausses. Ne pas être satisfait avec ces rapports nécessaires mais non suffisants entre images et sons. Démonter les contradictions entre image et son et faire continuellement des rapports : contrôler nous-mêmes des rapports de production entre image et son ». Cette affirmation (à propos de Pravda, 1969) montre ce que Godard retire de cette période. Selon la leçon bressonienne, il déconnecte l'image et le son – ou plutôt le texte – au profit non pas d'une image juste mais de ce que, avec J.-P. Gorin, il appelle « juste une image », expression où l'on peut voir percer une disqualification relative du rôle de l'image. Le moment culminant de cette démarche est Letter to Jane (1972, réalisé avec J.-P. Gorin), commentaire proliférant d'une photographie. Ciné-tracts (1968), qui utilise des images fixes et des slogans politiques, est centré sur le mot de « production », ce qui entraîne l'idée d'un produit ramenée à celle d'une multiplication, ainsi que celle de « rapport » algébrique à entendre cette fois comme rapport de classes dans une société où règnent les principes de la production capitaliste.

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Jean-Luc Godard - crédits : Courtesy of The Museum of Modern Art Film Stills Archive, New York City

Jean-Luc Godard

Jean-Luc Godard - crédits : Eric Robert/ Sygma/ Getty Image

Jean-Luc Godard

<em>À</em><em> bout de souffle</em>, J.-L. Godard - crédits : Jacques Boissay/ AKG-images

À bout de souffle, J.-L. Godard

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