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GODARD JEAN-LUC (1930-2022)

Le recommencement

Godard a désigné Sauve qui peut (la vie) (1979) comme la première œuvre d'une nouvelle période. S'instaure le va-et-vient entre cinéma et vidéo, entre les films qui comportent une signature et ceux qui en ont deux, selon le degré d'implication d'Anne-Marie Miéville. La participation, depuis Ici et ailleurs (1974), de cette réalisatrice à l'œuvre de Godard est importante, mais difficile à délimiter. Quand elle n'est pas co-réalisatrice, Anne-Marie Miéville peut être présente comme scénariste, adaptatrice, « art director »... Un court-métrage d'elle, Le Livre de Marie est étroitement associé à Je vous salue Marie ; de son côté, Godard interprétera un personnage dans Nous sommes tous encore ici (1996) et dans Après la réconciliation (2000).

Dans la constellation d'œuvres qui s'élabore jusque vers le milieu des années 1980, Passion (1981) semble exercer une fonction séminale. « Pour Passion, j'avais voulu faire quelque chose sur Beethoven et Rubens, et cela ne s'est pas fait. Il en est resté une idée, pour un film futur : de faire un film sur la Neuvième Symphonie, et puis je suis revenu à une idée plus ancienne, celle du quatuor. » L'idée sera reprise dans Prénom Carmen (1982). Je vous salue Marie (1983), qui emprunte aussi au livre de Françoise Dolto, L'Évangile au risque de la psychanalyse, est un autre développement de Passion, qui est le déplacement d'un projet que Godard nourrit alors sur la psychanalyse, Freud et le cas Dora.

Après 1987, les films se regroupent par séries : la série politique dont Le Dernier Mot (1988) et Allemagne année 90 neuf zéro (1991) sont les plus représentatifs, la série « religieuse » qui met en scène les mots d'un langage religieux plus que son esprit, les films-autoportraits dont JLG/JLG (1994) n'est que l'aboutissement... Ils sont traversés par des blocs sonores (les cris des oiseaux, les quatuors de Beethoven, la voix de Leonard Cohen, celle de Léo Ferré, les Partitas de Bach, Hindemith...), des objets ou des choses (les bouquets), des lieux (le bord du lac Léman, la maison, le grand hôtel), des gestes comme repasser, taper à la machine ou poser le bras du pick-up sur un microsillon, etc.

Une figure récurrente depuis Sauve qui peut (la vie) est la décomposition du mouvement, son ralentissement, sa division en moments séparés par des arrêts sur image. Les films de la dernière époque sont réalisés en partant des mêmes procédures stylistiques : surimpressions, clignotements ou superpositions, télescopages et bombardements d'atomes visuels et sonores. Depuis Prénom Carmen, Godard inscrit de plus en plus fréquemment son corps dans ses films, qu'il incarne un personnage ou qu'il intervienne en personne. Il fait entendre sa voix, écrit de sa main le texte de cartons, utilise sa maison (ainsi qu'une demeure de son enfance), parle à la première personne. La forme essayiste règne, imposant un autre type de narration. Au sein de la production cinématographique ordinaire, Godard fait aujourd'hui figure de créateur solitaire.

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Jean-Luc Godard - crédits : Courtesy of The Museum of Modern Art Film Stills Archive, New York City

Jean-Luc Godard

Jean-Luc Godard - crédits : Eric Robert/ Sygma/ Getty Image

Jean-Luc Godard

<em>À</em><em> bout de souffle</em>, J.-L. Godard - crédits : Jacques Boissay/ AKG-images

À bout de souffle, J.-L. Godard

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