GODARD JEAN-LUC (1930-2022)
Histoire(s) du cinéma
Histoire(s) du cinéma, sorte de tombeau « poétique » élevé à soi-même et au cinéma occupe une place unique dans l'œuvre. Depuis 1975-1976, Godard a le projet d'une « véritable histoire du cinéma », c'est-à-dire d'une histoire « faite d'images et de sons, et non de textes, même illustrés ». Le livre Introduction à une véritable histoire du cinéma (1980) témoigne de ce désir. Histoire(s) du cinéma, entrepris au plus tard en 1987 et achevé dix ans après, a l'ambition de tisser un ensemble de relations entre le cinéma en général, l'histoire du cinéma, l'histoire du xxe siècle qui, ainsi pris ensemble, deviennent l'histoire du siècle du cinéma. Pour ce faire, Godard a recours à un imposant agencement de matériaux divers. Les photos des camps de la mort, de de Gaulle lors de la Libération de Paris, des peintres comme Manet, Renoir, Goya, des cartons comme « toi... toi... toi », « chemins qui ne mènent nulle part », « splendeur et misère », des extraits d'œuvres musicales, des voix de chanteurs constituent quelques-uns des éléments auxquels il ne cesse de faire appel d'un chapitre à l'autre. King Kong, Allemagne année zéro, Rome ville ouverte, Le Testament d'Orphée, Les Dames du Bois de Boulogne, La Nuit du chasseur, La Prisonnière du désert, They Live by Night (Les Amants de la nuit) : tous ces films, et d'autres avec eux, font retour, à la manière de citations, tout au long des quatre parties qui composent Histoire(s) du cinéma.
Si Godard confie qu'il a lu à vingt ans Georges Dumézil, il ne fait pas mystère de son admiration pour le Malraux du Musée imaginaire, auquel il a beaucoup emprunté – y compris pour ce qui est des tournures syntaxiques, du goût de l'assertion ou du ton général de l'ouvrage. S'il ne fait pas référence à l'historien de l'art Aby Warburg, le rapprochement s'installe néanmoins, non seulement à proportion des traits anachroniques par lesquels s'opèrent chez l'un et chez l'autre des croisements entre les œuvres ou des déplacements spatiaux, mais aussi parce que Warburg, dans sa réflexion sur les formes, accorde une place à des faits actuels.
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Écrit par
- Jean-Louis LEUTRAT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Suzanne LIANDRAT-GUIGUES : professeur des Universités
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Médias
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