LURÇAT JEAN (1892-1966)
Essentiellement connu pour ses cartons de tapisserie, Jean Lurçat, frère de l'architecte André Lurçat, s'est exprimé cependant avec talent dans des domaines très divers (peintures, dessins, aquarelles, estampes, vitraux, céramiques et mosaïques, bijoux et cristaux, décors de théâtre, poèmes, œuvre critique). Il abandonne des études médicales pour apprendre la fresque puis la gravure. Ses premières tapisseries sont exécutées au point sur canevas (1915-1932). C'est en 1933 que sont réalisées ses premières œuvres sur métier : Mme Cuttoli fait tisser en basse lisse, dans son atelier à Aubusson, L'Orage tandis que Les Illusions d'Icare sont tissées en haute lisse aux Gobelins (données à la reine des Pays-Bas pour le Palais royal de La Haye), pièces décevantes car le tissage n'ajoute rien à la peinture. En 1938, Lurçat découvre la tenture de l'Apocalypse d'Angers qui est, pour lui, une révélation esthétique (ampleur et poésie) et technique (gros tissage, palette réduite, dessin simplifié). Il crée ainsi le carton à couleurs non plus peintes mais numérotées et limitées en nombre, révolution technique qui devait entraîner une révolution commerciale ; le temps d'exécution est ainsi réduit, mais le travail du lissier devient purement mécanique. En 1939, les Manufactures nationales de Beauvais et des Gobelins (dont le directeur est Guillaume Janneau), repliées à Aubusson, lui commandent quatre cartons en collaboration avec Marcel Gromaire et Pierre Dubreuil. C'est alors que Saint-Saëns, Picart le Doux, Coutaud et dom Robert deviennent ses émules. Influencé en peinture par les fauves, par les cubistes puis par les surréalistes, Lurçat est, dans ses cartons, essentiellement symboliste. Les symboles, souvent répétés (le coq, annonciateur de l'aurore ; le soleil, symbole de vie), parfois originaux et sophistiqués, sont servis par un dessin stylisé, clair et dense où l'utilisation de l'élément végétal comme remplissage des motifs est déjà très fréquente. La guerre de 1940 oriente Lurçat vers des sujets engagés : Es la verdad (1942) et Liberté (1943, d'après le poème d'Eluard) sont tissées clandestinement à Aubusson. Puis il travaille à des œuvres monumentales aussi bien pour les églises (Assy, 1947, Tapisserie de l'Apocalypse) que pour des édifices publics (musée du vin à Beaune, 1947).
C'est en 1957 que commence à Aubusson la mise au métier de cette tenture gigantesque, en dix panneaux, intitulée Le Chant du monde (acquise par la municipalité d'Angers). Elle illustre sur quatre-vingts mètres de long les angoisses et les espérances de l'homme à l'ère atomique, la « poésie » étant la réponse ultime, optimiste et victorieuse aux agressions diverses représentées essentiellement par L'Homme d'Hiroshima. Il est un des principaux promoteurs, en 1962, de la biennale de la tapisserie à Lausanne. L'œuvre gigantesque de Lurçat (de 1940 à 1962, huit cents pièces ont été tissées) paraît aujourd'hui un peu académique, mais on doit néanmoins à son enthousiasme le sauvetage inespéré de l'art textile monumental.
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Écrit par
- Nicole de REYNIES : auteur
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