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MALRIEU JEAN (1915-1976)

Homme du Sud, fidèlement : s'il convient de présenter Jean Malrieu d'une formule, il faut insister sur ses origines. Elles sont géographiques et historiques, mais la poésie les vivifia sans cesse. Cette terre intimement connue, aimée pour ses paysages et son passé, pour ces mythes et sa lumière, il ne l'a jamais quittée : lui-même se définissait volontiers comme « un Occitan de langue française ».

Jean Malrieu naît à Montauban. C'est dans cette ville que se déroulent son enfance et la plus grande partie de sa jeunesse. Avec quelques amis, il découvre la poésie puis le jazz : ses premiers poèmes paraîtront dès 1935, grâce à Hugues Panassié, dans la revue Jazz Hot, hommages à Louis Armstrong et à Duke Ellington. Lui-même rappelle ces années de l'enthousiasme et de la complicité dans un roman (publié par la revue Europe en 1952), Avec armes et bagages. Il écrit beaucoup, il se cherche ; il rencontre en 1936 la femme qui deviendra pour toujours sa compagne, Lilette.

Avec la guerre, c'en est fini de l'insouciance. Ses poèmes, essentiellement d'amour, deviennent plus graves. En 1945, il apprend que sa sœur est morte en déportation : son souvenir très souvent passera dans l'œuvre, et jusque dans Le Château cathare (1972). Politiquement, il sera pour de longues années, jusque vers 1960, communiste. À sa façon, certes, indépendante, avec passion pourtant. Il trouve en Gérald Neveu (1921-1960) un complice, un compagnon auquel il consacrera un livre en 1974. Ensemble ils fondent en 1961 une revue, Action poétique, un groupe, et portent la poésie dans les rues : ce combat de dix années environ, malgré certains désenchantements, ne fut point renié.

Mais déjà sa voix est reconnue : par Les Lettres françaises, où le présente Aragon, par Les Cahiers du Sud principalement, auxquels de 1950 à 1966 il donne poèmes, articles et chroniques en grand nombre. Aux Cahiers, il se sent chez lui. Du reste, en 1970, lorsqu'il fondera une nouvelle revue, toujours à Marseille, il l'appellera Sud et la placera naturellement sous l'égide de Joë Bousquet : « Révolte de l'homme du Midi qui veut être la chair de son chant. » L'esprit des anciens Cahiers y renaîtra : frontons consacrés à Saint-John Perse, aux poètes italiens de l'amour, à Ferdinand Alquié, accueil de nombreux poètes nouveaux... ce sont les Cahiers qui publièrent en 1953 Préface à l'amour, son premier livre, immédiatement salué.

La parole se déploie en de longs versets le plus souvent ; vibrante et ferme, elle chante, et pourtant ce n'est point la musicalité qui lui importe, elle préfère le rythme qui tire assurance de ses conquêtes inlassables. Quant aux images, abondantes, elles n'ont rien de rare : des arbres, des astres, des sources. Un paysage une fois pour toutes apparaît, végétal et lumineux. Hectares de soleil, poèmes écrits entre 1950 et 1958, mais publiés seulement en 1971, quand fut rééditée Préface à l'amour, d'une veine semblable, accentuent s'il se peut la générosité d'une inspiration qui doit tout à l'amour. L'on songe à Eluard, mais la voix plus proche porte aussi plus loin, aux troubadours également, mais l'exaltation amoureuse ne concerne pas le couple seul, elle détient les secrets d'une réconciliation générale.

Longtemps, les lecteurs ne connurent que ce visage : il leur fallut attendre 1968 et la publication du Nom secret pour qu'un livre nouveau vînt en préciser les traits essentiels. Que s'est-il passé ? D'une part, l'engagement politique a cessé, qui dans une certaine mesure altéra le ton, parfois trop optimiste. Il y eut, d'autre part, grâce au séjour chaque été dans le village de Penne-de-Tarn, la reconnaissance des sources les plus profondes, charnelles autant que mystiques : à partir de 1960, le poème a trouvé son site, et le poète[...]

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