ITARD JEAN-MARC-GASPARD (1774-1838)
Médecin à l'Institution des sourds-muets de Paris, Itard s'est illustré dans l'oto-rhino-laryngologie, dont il est l'un des fondateurs, la surdi-mutité et l'éducation spécialisée. Amené à s'occuper d'enfants mutiques indemnes de toute lésion organique sensorielle ou motrice, tel le fameux « sauvage de l'Aveyron », il aborda la pathologie mentale infantile, dont il fut, quoique non-psychiatre, un des précurseurs les plus remarquables.
Né à Oraison (Alpes-de-Provence), il fit ses études secondaires à Riez, puis à Marseille chez les oratoriens. Destiné au commerce, il fut enrôlé, lors de la mobilisation massive de l'été de 1793, comme aide-chirurgien et se retrouva à l'hôpital militaire de Toulon (replié, en raison de l'occupation de la ville par les Anglais, à Solliés), où il fut l'élève du grand chirurgien Dominique Larrey. Il suit ce dernier à Paris en 1796 et, reçu au concours de chirurgien de deuxième classe, obtient une place au Val-de-Grâce. C'est là qu'il se fait connaître de l'abbé Sicard, directeur de l'Institution des sourds-muets, où il est venu, en voisin, soigner un élève accidenté. Lorsque le célèbre enfant sauvage arrivant de l'Aveyron le 6 août 1800 est confié à Sicard, celui-ci demande qu'Itard soit nommé officier de santé de son institution. Le Provençal, qui n'a eu jusque-là aucune expérience de l'éducation des sourds-muets, va donc s'occuper pendant plusieurs années de l'enfant, avec le concours d'une gouvernante, Mme Guérin. Il ne quittera plus l'institution de la rue Saint-Jacques, dont il devient le médecin en 1803 après avoir soutenu sa thèse Dissertation sur le pneumothorax ou les congestions gazeuses qui se forment dans la poitrine. Resté célibataire, consultant honoré, membre de l'Académie de médecine et de nombreuses sociétés savantes, Itard, à sa mort, lègue à l'Institution des sourds-muets la majorité de ses manuscrits et de sa fortune.
L'éducation du « sauvage de l'Aveyron », qu'il devait par la suite baptiser Victor, aurait suffi à la gloire d'Itard. Relatée dans les deux rapports imprimés en 1801 et 1806 (reproduits par L. Malson dans Les Enfants sauvages, mythe et réalité, 1964) et dans un mémoire encore inédit de 1803 (rédigé par Sicard), elle montre avec quel enthousiasme et quel dévouement le jeune officier de santé se lance dans l'expérience, n'hésitant pas à s'opposer au célèbre aliéniste Philippe Pinel, qui, après avoir examiné l'enfant, avait, dans son rapport lu à la Société des observateurs de l'homme, le 29 novembre 1800, conclu à un idiotisme de naissance impossible à soigner (à tel point que certains administrateurs en vinrent à juger préférable d'envoyer le « sauvage » à Charenton). S'inspirant des idées de Locke et de Condillac, ainsi que de la philosophie des idéologues, Itard pense, avec Virey, que, si l'enfant se trouve être en fait « sauvage » et sans langage, c'est qu'il n'a pu bénéficier des influences de la société des hommes. Préfigurant la thèse des béhavioristes américains et d'Arnold Gesell, il croit qu'il n'y a pas de véritable déficience intellectuelle congénitale. Le déficit observé ne pourrait qu'être « acquis », faute de stimulations du milieu et de socialisation. Il suffira donc, par une méthode appropriée, d'amener l'enfant à acquérir peu à peu le langage et l'activité symbolique. Itard entreprend alors une pédagogie curative, intensive et autoritaire, véritable « orthopédie mentale », qu'il poursuivra jusqu'au départ de Victor pour l'impasse des Feuillantines, en 1811. Malgré son échec, cette tentative reste exemplaire. Elle servira de modèle à Seguin, qui[...]
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Écrit par
- Jacques POSTEL : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris
Classification
Média
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