LEHN JEAN-MARIE (1939- )
Chimiste français né le 30 septembre 1939 à Rosheim (Bas-Rhin), Jean-Marie Lehn a reçu, en 1987, le prix Nobel de chimie, avec les Américains Donald J. Cram et Charles J. Pedersen. Ce prix récompense leurs travaux sur l'élaboration et l'utilisation de molécules « creuses » pouvant exercer, avec une haute sélectivité, une interaction spécifique de structure.
Après des études secondaires au lycée Freppel d'Obernai, Jean-Marie Lehn obtient sa licence de sciences physiques à Strasbourg en 1960. Il entre alors dans l'équipe de Guy Ourisson (1926-2006), artisan du renouveau de la chimie organique strasbourgeoise, et soutient trois ans plus tard une thèse de doctorat d'État sur la résonance magnétique nucléaire de triterpènes. D'abord chercheur au C.N.R.S., en 1960, à l'université Louis-Pasteur de Strasbourg puis maître de conférences (1966), J.-M. Lehn est nommé professeur de cette université en 1970 et professeur au Collège de France en 1979. Il est élu membre de l'Académie des sciences en 1985. Il devient, en 1992, président du conseil scientifique du groupe Rhône-Poulenc.
L'œuvre scientifique de Jean-Marie Lehn est féconde et variée : aussitôt célèbre pour ses travaux en chimie-physique (barrières d'inversion de l'azote, dynamique moléculaire), après un détour incisif dans le domaine de la chimie organique théorique, il devient le chimiste créateur de molécules. En 1967, à la suite de la description par C. J. Pedersen (1904-1989) des éthers-couronnes, il engage une partie de son équipe dans cette nouvelle voie, et un an plus tard sont obtenus les premiers cryptands (du grec kryptos, caché), molécules creuses capables d'englober des cations sphériques de taille appropriée. Les applications potentielles ainsi que l'étude des propriétés inhabituelles de ces composés vont servir de thèmes de recherche à une multitude de laboratoires de par le monde. J.-M. Lehn généralise la chimie de coordination, et fabrique des molécules capables de reconnaître des sphères chargées négativement, des tétraèdres, voire des molécules plus complexes du règne vivant... De cette nouvelle façon d'aborder la chimie naît la chimie supramoléculaire. Celle-ci associe des molécules par de multiples liaisons, individuellement beaucoup plus faibles que les liaisons covalentes. Les molécules hôtes (récepteurs) sont capables de s'associer fortement et spécifiquement avec un type de molécules invitées (substrat). Cette sélectivité a d'importantes applications pratiques, puisqu'un récepteur permet d'effectuer le tri d'un mélange complexe.
La généralisation de la chimie supramoléculaire conduit aux systèmes multimoléculaires organisés dans l'espace, présentant des propriétés de stockage et de transfert d'information, de régulation et d'intervention au niveau moléculaire. Ce domaine de l'électronique et de l'informatique moléculaires, appelé chimionique, constitue un nouvel axe de recherches pour J.-M. Lehn, notamment l'utilisation de la reconnaissance moléculaire pour induire des processus d'auto-organisation.
Outre le prix Nobel, Jean-Marie Lehn a reçu de nombreux prix, dont la médaille d'or du C.N.R.S. (1981) et la médaille Dany de la Royal Society (1997). Il est membre, depuis sa création en 2006, du Haut Conseil de la science et de la technologie.
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Écrit par
- Jean-Paul BEHR : docteur ès sciences, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Mir Wais HOSSEINI : professeur à l'université Louis-Pasteur, Strasbourg, et à l'Institut universitaire de France
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Autres références
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CHIMIE SUPRAMOLÉCULAIRE, en bref
- Écrit par Arnaud HAUDRECHY
- 283 mots
Au-delà de la vision moléculaire, où les atomes se combinent pour former des structures déjà complexes, il existe un autre domaine d'association qui implique cette fois des molécules pour donner des assemblages aux multiples applications. Ce champ d'études, appelé chimie supramoléculaire...