LUSTIGER JEAN-MARIE (1926-2007)
Singulière destinée que celle d'Aaron Lustiger, né à Paris le 17 septembre 1926, petit-fils d'un rabbin polonais du même nom, fils de commerçants juifs du XVIIIe arrondissement de Paris et devenu, le 2 février 1981, archevêque de Paris ! Cette singularité ne quittera pas une personnalité hors du commun, admirée par les uns, contestée par les autres, que les médias chouchouteront jusqu'à sa mort, à Paris, le 5 août 2007.
Les parents d'Aaron et de sa sœur Arlette ne fréquentent pas la synagogue, mais ils éprouvent une vive conscience de leur identité juive. Ils auront à cœur de la transmettre à leurs enfants en même temps que le goût du travail intellectuel. Aaron fait de brillantes études au lycée Montaigne à Paris et apprend à jouer du piano avec un professeur chez qui il découvre l'Ancien et le Nouveau Testament. En 1937, à la faveur d'un séjour en Allemagne dans une famille protestante, l'adolescent fait un pas de plus vers la foi chrétienne. À tel point que, le 25 août 1940, à Orléans où la famille Lustiger a dû se replier, Aaron reçoit le baptême en même temps que sa sœur. Il ajoute alors à son prénom ceux de Jean et de Marie. Le jeune chrétien ne renie pas pour autant son identité juive. Bien au contraire, il la revendiquera haut et fort toute sa vie, sans se soucier des protestations qu'il suscite, aussi bien dans la communauté juive que dans le monde catholique.
Mais le drame n'est pas loin. Les lois antisémites du régime de Vichy contraignent Jean-Marie et Arlette Lustiger à vivre cachés à Orléans, tandis que leurs parents, qui poursuivent leurs activités, portent l'étoile jaune. Leur mère, Gisèle, qui continue de tenir une petite mercerie à Paris, est arrêtée le 10 septembre 1942 et déportée à Auschwitz. Elle y meurt un an plus tard. Leur père, quant à lui, furieux du baptême de son fils et de sa fille, tente par tous les moyens, en 1945, de les faire annuler. En vain.
Commence alors la longue marche qui conduira le jeune converti jusqu'aux plus hautes charges au sein de l'Église catholique. Inscrit en Sorbonne à la Libération, Jean-Marie Lustiger y rencontre un aumônier qui aura sur lui une influence décisive. Il s'agit du père Maxime Charles, fondateur du Centre Richelieu et qui organise, à ce titre, des pèlerinages d'étudiants en Terre sainte. C'est en 1951, au cours d'un de ces pèlerinages, que, le front collé sur le marbre du Saint-Sépulcre, le séminariste des Carmes décide définitivement de devenir prêtre. Ordonné la nuit de Pâques 1954, il rejoint, comme adjoint, le père Charles au Centre Richelieu. Puis il est, dix ans durant, l'« aumônier de la Sorbonne ». Le voilà qui sillonne le quartier Latin sur son célèbre Solex, nouant d'innombrables contacts et forgeant sa réputation de débatteur au franc-parler et aux colères fameuses. Jusqu'à ce Mai-68 qu'il considère comme une « foire où il n'y a pas de place pour l'Évangile ».
Curé de la très bourgeoise paroisse de Sainte-Jeanne-de-Chantal en 1959, le père Lustiger y développe ses talents de prédicateur et ses qualités de leader, avant de repartir, en 1979, vers Orléans, où Jean Paul II le nomme évêque. Deux ans plus tard, surprise. Le pape polonais à qui le liera une amitié de plus en plus forte nomme Mgr Lustiger à Paris pour remplacer l'humble et souriant cardinal Marty, son exact opposé. Un juif archevêque de Paris : le battage médiatique est sans précédent, tandis que Marty lui-même, prévenu tardivement par le Vatican de l'identité de son successeur, est décontenancé. Il confiera plus tard à quelques intimes avoir considéré cette nomination comme une sorte de désaveu. C'est que, à la stratégie de la présence modeste et du compagnonnage amical avec les femmes et les hommes de ce temps, chère à l'Église de France à cette époque, Jean[...]
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Écrit par
- Jean-Claude PETIT : journaliste-écrivain, président du Centre national de la presse catholique
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