MARTINON JEAN (1910-1976)
Né à Lyon le 10 janvier 1910 et mort à Paris le 1er mars 1976, le chef d'orchestre français Jean Martinon est apparu pour la dernière fois à un pupitre parisien en août 1975, à la tête de l'orchestre international des Jeunesses musicales de France. Assez étrangement, c'est ce jour-là seulement que sa qualité de très grand chef fut reconnue par tous ceux – et ils étaient nombreux – qui, malgré une carrière internationale qu'ils ne pouvaient ignorer, faisaient preuve d'une certaine réticence à son égard et ne le citaient jamais dans le même souffle que Karajan, Klemperer, et même Münch.
Pourtant, de Charles Münch il avait été l'élève, et, dans les premiers temps de son activité parisienne continue, à la tête, surtout, de l'orchestre des Concerts Lamoureux (dont il fut le président et le chef permanent entre 1951 et 1957), il semblait, vu de dos, au pupitre, comme une réincarnation, à vingt ans de distance, de son maître et grand aîné. Mais sa propre personnalité s'affirma très vite : moins volcanique, moins spectaculaire que celui de Münch, son lyrisme était d'une qualité plus raffinée, plus intérieure aussi. Ce qui devait contribuer à la méconnaissance, parfois, de son rang réel, c'était une certaine inégalité, qui ne l'a peut-être quitté que dans les toutes dernières années de sa vie ; et puis, il n'avait pas le génie des relations publiques de tant de ses confrères qui, leur place fixée au ciel des étoiles, ne la quittent plus, aux yeux du public, même les jours de fatigue ou de fuite passagère de l'inspiration.
Jean Martinon a dirigé quelques-uns des plus grands orchestres du monde : le London Philharmonic Orchestra (1946-1948), l'Orchestre de philharmonique d'Israël (1958-1960), avant d'être nommé, en 1960, directeur général de la musique à Düsseldorf, ce qui était une situation exceptionnelle pour un chef français. Il n'a quitté Düsseldorf, où certains Allemands ne le voyaient pas d'un très bon œil, que pour aller à Chicago en 1963 ; en 1968, il revenait à Paris, à la tête de l'Orchestre national de l'O.R.T.F., et ce furent peut-être les années les plus dures de sa vie. Il prétendait faire travailler en profondeur un ensemble de musiciens de premier ordre sur le plan technique, mais qui considéraient trop souvent que leurs qualités intrinsèques étaient suffisantes pour former un orchestre de premier plan et qu'un travail assidu et vraiment concentré ne leur apporterait rien de plus. Il les quitta en 1974, plein d'amertume.
Lors de son dernier concert, il réussit à donner une âme et le souffle d'un ensemble arrivé à la maturité à un orchestre éphémère, formé de jeunes instrumentistes venus de vingt pays différents, riches d'enthousiasme, certes, mais sans expérience aucune. Un enregistrement est resté de ce concert, où, entre autres pièces, la Quatrième Symphonie de Schumann témoigne de ce miracle ; c'était, on ose à peine l'écrire, la meilleure version de l'œuvre, en 1975, au moment de sa publication.
Martinon fut aussi un compositeur. Qu'il soit permis de dire que sur ce plan sa personnalité n'était pas de premier plan. Il a touché à tous les genres, du théâtre lyrique avec Hécube, représenté à Strasbourg en 1956, à la musique symphonique, avec trois symphonies, dont une « Irlandaise » et dont la deuxième, de 1944, a été enregistrée sous sa direction, sans parler de la musique de chambre, instrumentale et vocale. Sa musique n'est certes pas une « musique de chef d'orchestre », imbibée de souvenirs involontaires d'œuvres et de chefs-d'œuvre souvent dirigés. Pour l'écriture, Martinon a été élève de Vincent d'Indy et d'Albert Roussel, c'est-à-dire, essentiellement, de la Schola cantorum, mais on ne peut[...]
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Écrit par
- Antoine GOLÉA : critique musical
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