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BASQUIAT JEAN MICHEL (1960-1988)

Une carrière fulgurante

Basquiat aurait dit, à dix-sept ans, qu'il voulait devenir un « Picasso, un Johns ou un Warhol ». Légende ou réalité ? Son ambition est en tout cas attestée et il semblerait que l'artiste n’ait, en réalité, jamais fait ses débuts dans le métro et sur les murs de l'East End (un des quartiers de naissance du « tag ») à la différence de ses confrères tagueurs. Avec un sens de la carrière certain, Basquiat serait allé directement taguer les murs de Soho – le quartier des galeries et du commerce de l'art – ce qui fait ainsi connaître très vite son patronyme : le nom de Samo, qu'il accompagne d'une couronne et du signe du copyright.

Quand, au début des années 1980, l'activité souterraine des graffiteurs fait irruption dans les bastions artistiques, Basquiat prend très rapidement son envol. L'exposition New York, New Wave (New York, nouvelle vague), organisée en 1981 par Diego Cortez dans l'espace « alternatif » de PS1 (New York), en est la première manifestation publique. Transférés sur toile, les graffiti sont à vendre. Certains de leurs auteurs deviennent alors des « artistes », dont se saisissent les galeries qui rompent avec les productions austères des années 1970. Pour Basquiat, tout va alors s'accélérer : une exposition à la galerie Mazzoli à Modène (Italie) et à la galerie Anina Nosei à New York, que suivront bien d'autres encore. Il a vingt-deux ans lorsqu'il participe à la Dokumenta 7 de Cassel, et il reste longtemps le benjamin des grandes expositions.

Bien loin des graffitis, les œuvres de Basquiat s'affirment comme des peintures et sont associées à celles de la transavantgarde italienne (il collabore ultérieurement avec le peintre Francesco Clemente, ainsi qu'avec Andy Warhol). Sur la toile (« préparée » par endroits par l'application de photocopies en couleurs), mais aussi sur des supports moins traditionnels arrachés à l'espace urbain (des barrières), s'inscrivent des figures sombres et grotesques, des mots ou des formules, des signes plus ou moins déchiffrables, entrecoupés de couleurs stridentes. Des citations extraites des médias s'y laissent lire. De même çà et là apparaissent des fragments autobiographiques (la couronne de Samo) et des éléments empruntés au culte vaudou (affirmation de la « négritude » de l'artiste). La peinture de Basquiat se réfère autant à l'art primitiviste, à l'Art brut ou à Cobra qu'à la grande tradition américaine, de Rauschenberg à Cy Twombly.

Keith Haring, plasticien ami de Basquiat, a pu affirmer en 1983 : « Il a fait la seconde révolution de l'art new-yorkais après l'affirmation des femmes dans la peinture. » Affichant un « bestiaire de mots » selon le critique David Shapiro qui compare l'art de Basquiat à la chanson de geste du Moyen Âge, ces œuvres font de l'artiste « un poète de rue qui a su s'imposer dans les salons bourgeois ». Ses débuts fracassants laissent entrevoir une belle carrière. Mais Basquiat aime l'argent, la réussite et l'héroïne : il meurt d'une overdose en 1988, à l'âge de vingt-sept ans. Cette mort brutale contribuera à renforcer l'éclat de sa légende.

— Élisabeth LEBOVICI

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  • BASQUIAT (exposition)

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    La rétrospective consacrée à Jean-Michel Basquiat au musée d'Art moderne de la Ville de Paris (15 octobre 2010-30 janvier 2011), qui faisait suite à celle présentée par la fondation Beyeler à Bâle, avait le mérite de mettre en lumière les différentes phases d'une fulgurante carrière brisée...

  • GRAFFITI

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    • 5 879 mots
    • 1 média
    ...artistes qui travaillaient en dehors des galeries traditionnelles suscita un regain d'intérêt pour cette forme d'expression. Dans les années 1980, des artistes new-yorkais tels que Keith Haring et Jean Michel Basquiat devinrent célèbres par leurs graffiti avant d'être courtisés par les galeries.