MINEUR JEAN (1902-1985)
Pendant un demi-siècle, le cinéma a proposé à ses habitués une forme de spectacle qu'approvisionnaient plusieurs canaux convergents de production dont la fonction a été trop rarement étudiée : courts métrages documentaires, films d'animation, bobines d'actualités, films annonces auxquels s'ajoutaient les performances d'attractions vivantes de cirque ou de music-hall. Parmi toutes ces formes, l'une des plus négligées est constituée par les œuvres courtes du cinéma publicitaire, projetées pendant l'entracte en salle demi-éclairée.
L'existence et le développement de ce type de cinéma extrêmement varié demeurent associés à la création d'un système de production et de distribution particulier, dont l'inventeur et le premier organisateur, Jean Mineur, est mort dans sa retraite cannoise, le 19 octobre 1985, âgé de quatre-vingt-trois ans. Il était né en 1902 à Valenciennes dans une modeste famille d'artisans menuisiers. Dans une société qui n'était pas encore celle de la consommation, où l'argent était rare et les dettes menaçantes. En 1914, la Première Guerre mondiale, l'invasion de la France accroissent la précarité de la vie quotidienne. Ces premières années d'enfance et d'apprentissage, Jean Mineur les évoquera dans Balzac 00.01, un livre de souvenirs publié en 1981 par les éditions Plon. Ayant fui Valenciennes lors de l'invasion, il devient chauffeur de poids lourds, puis conducteur de voitures à la direction des Régions libérées. En 1921, journaliste de dix-neuf ans au Progrès du Nord, il développe la publicité du « Guetteur de Valenciennes ».
Empruntant quelques milliers de francs à un cousin, il se lance dans la fabrication de rideaux publicitaires pour les cinémas. Pour couronner un travail acharné de recherche de contrats, de productions d'annonces et de rideaux publicitaires, il ouvre une Agence générale de publicité qui va lui permettre de développer des idées de présentation et de diffusion. En 1925, la création d'un journal parlé à Valenciennes lui permet d'insérer des messages de publicité sonores.
En 1927, alors que l'on commence à voir se multiplier les films publicitaires muets, Jean Mineur crée l'agence de création Publicité et films Jean Mineur. Ayant acheté une caméra Pathé, il réalise des petits films pour des clients régionaux. Puis il quitte en 1936 Valenciennes pour s'installer à Paris, d'abord boulevard de Courcelles, et deux ans plus tard sur les Champs-Élysées. Déjà, avec l'apparition du cinéma sonore, quelques jeunes cinéastes ont commencé à réaliser pour l'agence Damour des films publicitaires fantaisistes : ils ont nom Jacques Prévert, Marcel Carné, Allégret, Roger Leenhardt. On trouve aussi parmi eux des concepteurs comme Jean Aurenche et Jean Anouilh, regroupés autour de Lortac (Cheval, Evariste Quessada), Paul Grimault, Antoine Payen et André Rigal...
En 1943, Jean Mineur fonde la Société de distribution des films Jean Mineur. Il associe du même coup sa maison de production-distribution avec Pathé Cinéma, qui regroupe un circuit de 7 000 salles pour lesquelles il faut chaque semaine monter, expédier et vérifier le passage de bobines composées de plusieurs films de 15 à 30 mètres.
À cette époque, Jean Mineur produit et réalise des courts-métrages documentaires : L'Amour maternel chez les animaux, 1943 ; Au-delà du visible, Les Îles où l'on danse, 1944 ; Sous la croix du Sud, 1946 ; Tu seras vedette, Radio Illusion, 1946 ; Bernard père et fils, 1948 ; Sourires d'enfant, 1949 ; Le Métal tissé et perforé, 1951... Un long-métrage, Troisième Cheminée à droite, sera également tourné à Cannes en 1947.
Enfin, c'est en 1948 que Jean Mineur obtient le numéro de téléphone « Balzac, 00.01 », à partir duquel Albert Champeaux va pouvoir réaliser[...]
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Écrit par
- André MARTIN : critique de cinéma
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