SERVANDONI JEAN-NICOLAS (1695-1766)
Né à Florence, de père français, Jean-Nicolas Servandoni a eu une carrière exceptionnelle, tant par la variété et l'étendue de ses talents que par la diversité des lieux où ils se sont exercés. Élève, à Rome, de Pannini pour la peinture et de Rossi pour l'architecture et la décoration, c'est à Lisbonne qu'il se fait connaître par ses décors pour l'opéra italien. Mais c'est à Paris, où il se fixe dès 1724, qu'il va obtenir ses grands succès de décorateur, puis d'architecte et, « par l'étendue de ses lumières », mériter l'admiration sans réserve de J. F. Blondel. Il conçoit des dessins et des maquettes pour l'Opéra, il exécute des tableaux de ruines (École nationale des beaux-arts, Paris), il se fait organisateur de spectacles (particulièrement aux Tuileries, de 1737 à 1742), de fêtes et de feux d'artifice (1730, pour la naissance du Dauphin ; 1739, pour le mariage de Mme Élisabeth). Dans le domaine de la décoration des édifices religieux, il est l'auteur de travaux importants : transformation en 1729 de la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice, projet très ambitieux (et refusé) pour le buffet d'orgues de la même église, grand autel avec baldaquin de la cathédrale de Sens et de Saint-Bruno à Lyon. Servandoni y manifeste un goût baroque, avec effets de perspectives dans le genre de Borromini, jeux de la polychromie, fantaisie des lignes. De façon surprenante, ce sont des qualités opposées qu'il met en œuvre dans ses travaux d'architecture, l'église de Coulanges-la-Vineuse (Yonne) en 1737, et surtout la façade de Saint-Sulpice, mise au concours en 1733 : le projet de Servandoni, d'un classicisme rigoureux, de lignes simples et affirmées, l'emporte sur ceux de Meissonnier et d'Oppenord. Malgré des modifications ultérieures (fronton détruit par la foudre et non remonté, nouveau dessin des tours), l'essentiel de l'apport de Servandoni demeure : rigueur de la composition, simplicité des volumes, utilisation de la colonne pour sa fonction portante et non plus seulement pour son effet décoratif. Nouveautés qui feront école et vaudront à Servandoni d'être reconnu comme un précurseur. Après un séjour à Londres en 1749 (feu d'artifice et décors de théâtre), il va parcourir l'Europe, sollicité pour des fêtes, des décors, des plans ; il est à Dresde en 1754, à Bruxelles en 1759 (travaux pour le duc d'Ursel et peut-être pour le palais d'Arenberg, aujourd'hui palais d'Egmont, château à Sterrebeck), à Vienne en 1760, à Stuttgart en 1762. Tous ces déplacements ne l'empêchent pas de travailler encore pour Paris : il avait participé au concours ouvert en 1748 par le directeur des Bâtiments en vue de doter la ville d'une nouvelle place royale. Il avait proposé, à cette occasion, deux projets qui ne furent pas retenus. En 1752, il imagine de créer devant Saint-Sulpice une grande place bordée de façades sur arcades à refends, ensemble accordé au goût nouveau, mais jugé trop ambitieux. Après quelques modifications le projet est adopté, mais une seule maison sera construite, en 1777 (le no 6 de la place Saint-Sulpice).
Décorateur dans l'esprit baroque, teinté de rococo, mais aussi architecte d'un rigoureux classicisme et tourné vers l'antique, propagateur de l'art parisien à travers les cours princières d'Europe, grand organisateur de fêtes et inventeur d'illusions, Servandoni apparaît comme l'un des artistes les plus doués de son temps et très représentatif de celui-ci. Il est, pour le xviiie siècle, l'équivalent de ce qu'Inigo Jones et Bernin ont été pour le xviie siècle.
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Écrit par
- Jean-Jacques DUTHOY : professeur à l'École européenne de Bruxelles
Classification
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