NOUVEL JEAN (1945- )
Le choix de l’instable
L'esthétique de Jean Nouvel est à situer entre les merveilles rutilantes de la technique et l'âpre crudité du bitume, entre le capotage lisse et des accents plus aigus, entre la tension, la plénitude, l'énergie contenue et toute l'ambiguïté des lumières filtrées et des effets venus de la vidéo ou de l'éclairage artificiel, entre la densité et une aspiration jamais comblée à l'« immatérialité ». L'architecture, affirme-t-il, est un acte culturel. C'est-à-dire qu'elle doit signifier, prendre parti, commenter, jouer, détourner, manipuler l'univers et savoir qu'elle intervient toujours dans un contexte humain, physique ou culturel à prendre en compte. La modernité est expérience et renouvellement constant, et non code figé. Ainsi n'a-t-elle aucun sens pour lui, cette modernité calme et triomphante, aspirant à l'éternité, qu'avait définie Le Corbusier lorsqu'il parlait de l'architecture comme « jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière ».
La modernité de Jean Nouvel peut être triviale et naïve, bricolée, hirsute, certainement incorrecte, voire laide. Elle peut être nocturne ou crépusculaire plutôt que de pleine lumière. Mouvementée, dynamique, mouvante plutôt que stable.
Pour Jean Nouvel, « l'avenir de l'architecture n'est plus architectural ». Cet avenir, il le voit plutôt dans la confrontation avec la culture du moment. D'où une attitude constante d’instabilité induite par son exigence de « diagnostic permanent ». D'où le souci d'une architecture en résonance, libérée de la notion sacrée et indéfinissable de « beau », et aussi de celle d'« espace », libérée enfin de tous les tabous, de toutes les morales, d'ailleurs fluctuantes, qui l'ont toujours cantonnée dans les règles d'un jeu que lui, au contraire, voudrait ouvrir à d'autres spéculations, à d'autres interlocuteurs, à d'autres critères de jugement. Il la rêve impure et éclectique, fruit d'une imagination vagabonde, chimérique et composite, « pétrification d'un instant d'imagination ». En lui décernant le prix Pritzker en 2008, le jury a voulu honorer « le goût de l'expérimentation créatrice » qui caractérise l'œuvre de Jean Nouvel.
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Écrit par
- François CHASLIN : critique d'architecture
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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