MANCHETTE JEAN-PATRICK (1942-1995)
Le père de l'expression « néo-polar », né en 1942, enseigne d'abord le français en Grande-Bretagne. Il devient traducteur, puis publie, en 1971, L'Affaire N'Gustro, qui traite de la corruption des milieux politiques et de leur collusion avec les truands. Début prometteur, qui attire l'attention sur ce jeune écrivain. Manchette obtient le grand prix de littérature policière en 1972 pour Ô dingos, ô châteaux, mais le vrai succès survient avec Nada (1973), qui raconte la sanglante poursuite d'un groupuscule terroriste, finalement anéanti par une formidable mobilisation policière. Suivront Le Petit Bleu de la côte ouest (1976) et La Position du tireur couché (1982).
Pour la première fois depuis les événements de mai 1968, on trouve dans les romans de Manchette tous les ingrédients aptes à séduire un lectorat jeune : intrigues du pouvoir, personnages révoltés, névrosés, rebelles sans cause. Tout lecteur, quel que soit son arrière-plan socioculturel, peut s'identifier avec l'un ou l'autre des protagonistes.
Dans Le Petit Bleu de la côte ouest, Manchette développe jusqu'au paroxysme un autre stéréotype de l'époque : le malaise des jeunes bourgeois et leur fuite vers un mode de vie écologique, qu'on imagine idyllique. En 1976, le phénomène écologiste bat son plein, et les lecteurs se sentent solidaires de Gerfaut, cadre dynamique, apparemment bien installé, féru de jazz West Coast (d'où le titre du roman) et qui, se trouvant entraîné dans une machination criminelle, finit par prendre goût à ce nouveau mode d'existence, au point de refuser de rentrer chez lui et de réendosser son costume trois pièces.
Outre l'efficacité de ses constructions, ce qui caractérise l'art de Manchette tient au détachement de l'écriture — qui refuse l'émotion — et à celui des personnages. En bon admirateur de Hammett, l'auteur pratique le behaviorisme : nulle introspection, l'homme s'explique et se définit par son comportement. Parallèlement, Manchette accumule les détails précis sur l'environnement et les accessoires : types des armes utilisées, marques de voitures et de cigarettes, ce qui confère à ses récits un « réalisme poétique » issu des grands films hollywoodiens. L'auteur ne croit peut-être pas à ce qu'il écrit : l'essentiel est que le lecteur y croie.
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Écrit par
- Michel LEBRUN : écrivain
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