Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DADELSEN JEAN-PAUL DE (1913-1957)

Lorsqu'une tumeur au cerveau l'emporte, à Zurich, le 22 juin 1957, Jean-Paul de Dadelsen, né à Strasbourg le 20 août 1913, n'a encore publié que quelques rares textes dont Bach en automne (dans le no 35 de la N.R.F., en 1955). Il faudra attendre 1962 pour que paraisse, édité par François Duchêne et préfacé par Henri Thomas, son unique recueil de poèmes, Jonas, qui le fera lentement reconnaître comme une voix originale de la poésie de la seconde moitié du xxe siècle. Dès 1957, Albert Camus, qu'il avait rencontré en Algérie en 1941, songea à préparer une édition de cette œuvre, mais le projet ne vit pas le jour. Une œuvre brève, rédigée durant les quatre dernières années d'une vie courte mais intense, toujours en gestation et à la recherche non pas tant d'une perfection formelle ou esthétique que soucieuse de témoigner de ce qui, de la vie, échappe aux trop vives clartés des modes et des reconnaissances faciles.

En 1982 (une nouvelle édition sera proposée en 1995) paraît sous la direction de Baptiste-Marey un ensemble de textes et de documents, Goethe en Alsace (reprise du titre d'une chronique probablement écrite en 1954), qui permet de se faire une plus juste idée des talents divers de Jean-Paul de Dadelsen et de comprendre son itinéraire. Si c'est en 1930, à l'âge de dix-sept ans, qu'il quitte définitivement l'Alsace, il ne cessera de garder pour sa terre natale et le luthéranisme de son enfance une certaine tendresse (il traduisit en français quatre poèmes de son ami le poète dialectal Nathan Katz qui, le premier, avec Guillevic, l'initia à la poésie). D'abord interne au lycée Louis-le-Grand, à Paris, il est reçu en 1936 premier à l'agrégation d'allemand, il publie, en 1937 dans les Cahiers du Sud, une étude sur Frédéric Schlegel et une autre sur L'Âme romantique et le rêve d'Albert Béguin. Après avoir fait la campagne de Belgique, Dadelsen est nommé à Lyon, puis à Oran. De là, il gagne Londres et s'engage en 1942 dans les F.F.L. À la Libération, il occupe brièvement le poste de directeur adjoint au ministère de l'Information. Mais très vite, il se tourne vers le journalisme, collabore à la B.B.C. où, de 1946 à 1951, il tient une chronique régulière, le vendredi, pour les programmes français, au Combat de Camus, à Franc-tireur...

Européen convaincu (il a collaboré avec Jean Monnet à l'élaboration du Plan charbon-acier à Luxembourg), grand voyageur et conférencier de talent, Dadelsen manie l'anglais aussi bien que le français et l'allemand, comme en témoigne la suite Stone in Vence, écrite au printemps 1954. Paradoxalement, il n'écrira jamais de poèmes en allemand ou en alsacien, alors que la culture germanique nourrit son œuvre. Dans Bach en automne, qui ouvre Jonas, il écrit ces vers qui pourraient définir sa poétique : « Du vide noir où perle une sueur d'hydrogène jusqu'aux semences / Cachées dans notre corps, des anges à l'amibe, l'énorme création / Est une seule chair sans partage, une tunique sans couture jetée / Sur quelle nudité, sur quel Corps effrayant de Dieu ? » Les élans vers la transcendance font bon ménage avec une joyeuse effervescence des sens. L'acte poétique est célébration sans retenue du monde et de ses mystères. La spiritualité la plus authentique, de source biblique avant tout, n'empêche en rien les appétits les plus terrestres. Proche de Max Jacob et de Paul Claudel, Dadelsen sait mêler dans ses vers les amples périodes du verset claudélien à de petites séquences pleines d'humour irrévérencieux et d'inventions facétieuses : « les religieuses à grosses joues / rouges, à gros mollets, à gros / derrière le dimanche descendent chez / l'oncle vigneron manger la tarte aux prunes. »

Enthousiaste et désespéré, secret sous[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification