FITOUSSI JEAN-PAUL (1942-2022)
Jean-Paul Fitoussi est l’un des économistes français les plus importants de la fin du xxe siècle. Il naît le 19 août 1942 à la Goulette, en Tunisie – alors protectorat français –, où se côtoient diverses communautés, parmi lesquelles de nombreux Italiens. Il entre ainsi très jeune en contact avec l’Italie, pays dont il fera sa deuxième patrie de cœur et de culture. Le baccalauréat en poche, obtenu après une scolarité au lycée Carnot à Tunis, Jean-Paul Fitoussi gagne la métropole pour étudier l’économie. Après un doctorat en sciences économiques, il est reçu à l’agrégation de l’enseignement supérieur et débute une carrière d’enseignant à l’université de Strasbourg en 1968. En septembre 1979, il rejoint l’Institut universitaire européen, installé à Florence. En 1982, il est nommé professeur à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), poste qu’il occupe jusqu’en 2010. Simultanément, il intègre l’équipe de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), think tank économique qui dépend de Sciences Po. Il en devient le président en 1989 et le restera jusqu’en 2010. Ce poste assure à ses travaux une grande visibilité, tant française qu’internationale. Par ailleurs, Jean-Paul Fitoussi reste très présent en Italie. Après l’Institut universitaire européen, il enseigne à l’université Luiss de Rome. En outre, il s’est investi dans la vie économique de ce pays, ayant occupé un siège au conseil d’administration de Telecom Italia de 2004 à 2017.
Véritable « penseur de la société », selon Xavier Ragot (président de l’OFCE à partir de 2014) et pas exclusivement économiste, Jean-Paul Fitoussi structure ses idées autour de la théorie économique keynésienne. C’est ainsi que son cours à Sciences Po s’intitule IS/LM en économie ouverte, allusion directe au modèle qui constitue la formalisation la plus connue des thèses de Keynes, réalisée par l’Anglais John Hicks et l’Américain Alvin Hansen. IS/LM fait référence d’une part au rapport entre investissements et épargne (investments and savings, IS), et d’autre part au marché monétaire (liquiditypreference and money supply, LM). C’est ainsi que, inquiet du ralentissement de la croissance dans les pays développés à partir des années 1980, qui se traduit par l’apparition d’un chômage de masse, Jean-Paul Fitoussi dénonce la résignation des dirigeants qui semblent considérer qu’ils n’ont pas de marge de manœuvre pour améliorer la situation. L’économiste théorise la nécessité d’un activisme budgétaire à même de résoudre les problèmes, dont le plus dramatique est clairement, tant sur le plan économique que politique et social, ce chômage de masse. C’est ainsi qu’il juge idéologique et néfaste la stigmatisation de la dette publique et s’en indigne. En 2020, notamment, il se réjouissait de ce que la Covid-19 ait incontestablement contribué à ouvrir les yeux des « princes qui nous gouvernent », obligés de relativiser la gravité du déficit budgétaire et de la dette publique. Il notait en outre que l’évolution du déficit et de la dette en temps de crise sanitaire sévère ne pouvait s’accommoder d’« avarice », fût-elle « vertueuse », la priorité des pouvoirs publics étant de protéger les citoyens, non de les sacrifier à une course effrénée à l’équilibre des comptes.
La charge contre « l’avarice vertueuse » a été une constante de la participation de Jean-Paul Fitoussi au débat public. En 1995, déjà, dans un livre intitulé Le Débat interdit. Monnaie, Europe, pauvreté, il s’attaquait à la politique monétaire dite du « franc fort », reprochant aux décideurs politiques d’avoir, par manque de pragmatisme et de lucidité, non seulement étouffé l’économie par un niveau de taux d’intérêt excessivement élevé, mais encore refusé d’admettre que l’on[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Marc DANIEL : professeur émérite de sciences économiques, ESCP Europe
Classification
Média
Autres références
-
LA DÉMOCRATIE ET LE MARCHÉ (J.-P. Fitoussi)
- Écrit par Jézabel SOUBEYRAN
- 1 112 mots
-
RICHESSE DÉFINITIONS ET MESURES DE LA
- Écrit par Jean GADREY
- 4 790 mots
- 5 médias
...formuler des propositions en vue d’autres mesures du progrès. Il en confie la présidence à Joseph Stiglitz, assisté par Amartya Sen, avec comme coordinateur Jean-Paul Fitoussi. Cette Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social remet son rapport le 14 septembre 2009, avec un important...