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GAULTIER JEAN-PAUL (1952- )

Mixage et mixité

Dans les années 1980, époque qui s'affiche postféministe et promeut le mot gay pour accompagner l'irruption des homosexuels dans la sphère publique, Jean-Paul Gaultier manipulera les clichés propres à chaque sexe, pratiquant une sorte d'échangisme vestimentaire. Ainsi en 1984, il présente sa première collection masculine (« L'Homme-objet ») et, l'année suivante pour la collection printemps-été, lance la jupe pour hommes – « Et Dieu créa l'homme » –, jupe trompe-l'œil puisqu'il s'agit d'un pantalon à très larges jambes dont l'une se replie sur l'autre comme un pagne. Présentée par les médias comme un nouvel épisode du débat sur l'identité sexuelle, la jupe pour hommes, malgré son faible succès commercial, viole évidemment un tabou. L'unisexe des années 1970, qui cherchait à neutraliser les différences, s'efface alors devant une mixité explosive (« Une garde-robe pour deux » en 1985) qui permet à chaque sexe d'explorer comme un jeu ses propres clichés et ceux de l'autre : lingeries de cuir noir, dentelles rouges, bustiers-smokings pour les filles postféministes, baskets à semelles de caoutchouc hypercompensées, santiags-cuissardes à talons aiguilles, corsaires en vichy, costumes à dos dénudé, sarongs de soie ou smokings-bodies pour les garçons postphallocrates, tour à tour identifiés sous les traits d'un « homme fatal », d'un « joli monsieur », d'un « French gigolo », d'une « rock star », d'un « Robin des bois des villes » ou d'un « cow-boy urbain ».

Cette tension entre les pôles masculin et féminin trouvera son expression simplifiée dans la tenue que Jean-Paul Gaultier créera pour la tournée mondiale de la chanteuse Madonna en 1990 : un costume d'homme sombre porté sur un corset saumon, tenue qui symbolise à ses yeux le monde contemporain. « La poitrine transperce la veste, c'est le pouvoir et la sensualité réunis », dira-t-il. C'est d'ailleurs la simplicité de ses vêtements, alliée à une recherche constante de tissus nouveaux, que le public va peu à peu apprécier, découvrant au fil des collections le classicisme des pièces maîtresses avec lesquelles il monte ses « coupés-collés » ingénieux : le costume rayé masculin, la redingote, la combinaison, le perfecto, le bomber, le jean 501, etc. On découvre que non seulement on peut s'habiller en « Gaultier », mais aussi qu'en « Gaultier » on peut être tout simplement habillé. Pour sa collection de prêt-à-porter de l'hiver 2001-2002, il dissèque les tailleurs à l'horizontale, les vêtements deviennent des puzzles coupés et accrochés à des chaînettes d'argent.

L'été de 1988 voit le lancement de la première collection « Junior Gaultier », remplacée par la ligne unisexe « JPG by Gaultier » en 1994, à des prix beaucoup plus abordables pour les jeunes, qui plébiscitent, parmi quatre cent cinquante mille pièces vendues cet été-là, sa « petite veste cintrée en jean noir ». Il développe parallèlement de nouvelles lignes de produits, tels que le parfum pour femmes « Jean-Paul Gaultier » en 1993 et « Fragile » en 1999, et celui pour hommes « Le Mâle » en 1995 et « Fleur du Mâle » en 2007. Par ailleurs, il dessine de 2004 à 2010 la mode féminine d'Hermès, qui possède également des parts dans le capital de son entreprise. Il revisite ses classiques, pour les enfants, sous la marque Junior Gaultier, créée en 2009 avec le groupe Zannier, et notamment la marinière pour les bébés à partir de 2011. La collection printemps-été 2014 met à l’honneur la faune, notamment le papillon, et la flore.

Outre Madonna, Jean-Paul Gaultier a travaillé avec d'autres artistes : le groupe des Rita Mitsuko, la chorégraphe Régine Chopinot (pour le[...]

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Jean-Paul Gaultier - crédits : Pool Bassignac/ Benainous/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Jean-Paul Gaultier

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