MARAT JEAN-PAUL (1743-1793)
Un journaliste révolutionnaire
Les conditions créées par la réunion des États généraux et la libéralisation au moins relative du régime de la presse devaient faire de Marat un journaliste engagé et un des théoriciens les plus écoutés de la population parisienne. Les idées politiques qu'il diffusait dans son journal, L'Ami du peuple, évoluèrent d'ailleurs à mesure que se précisaient les attaques des aristocrates, contre lesquelles il ne cessa jamais de mettre en garde, au point d'être surnommé Cassandre-Marat par son rival Camille Desmoulins. Les thèmes les plus constants dans l'œuvre de Marat journaliste ou pamphlétaire étaient un amour exclusif des masses populaires, dans lesquelles il voyait aussi bien les éléments les plus efficaces de la Révolution que ceux qui devaient en bénéficier le plus, la dénonciation constante des tendances des riches du tiers état à se réserver les profits des changements politiques et sociaux, les critiques contre les fausses idoles de l'opinion publique, en particulier Necker, puis Mirabeau et surtout peut-être La Fayette. Les idées de Marat, dispersées au jour le jour dans des articles de circonstance ou de polémique, témoignaient de la familiarité de l'auteur avec les institutions britanniques. Il était, de ce fait, un juge plus documenté et plus critique que la plupart des contemporains, les souvenirs de sa formation intellectuelle lui faisant, en outre, considérer comme un idéal possible une cité inspirée de la Sparte antique. Les appels à la vigilance de Marat contre les complots liberticides des éléments modérés contribuèrent incontestablement à faire grandir, sinon naître, cette psychose obsidionale qui allait marquer tant d'épisodes de la Révolution. Même quand il rappelait les grands événements qui avaient marqué les premières années de la crise, la nuit du 4 août ou la fête de la Fédération, Marat, tout en affirmant les aspects positifs des faits, mettait en garde contre le relâchement de la vigilance révolutionnaire qu'ils pouvaient amener. Dès les débuts de l'émigration, Marat avait souligné les risques d'une coalition des souverains pour abattre les libertés conquises ainsi que les facilités offertes aux partisans de l'Ancien Régime par la consolidation de la force armée. Il devait insister sur ce risque encore après le début des opérations si décevantes du printemps 1792. Il posait au même moment le principe de la relativité des lois, estimant que seules celles qui étaient justes étaient respectables. La véhémence de ses positions devait l'amener à se cacher pendant plusieurs semaines, mais il reparut, plus populaire, après le 10-Août qui, marquant la chute de la royauté, confirmait en somme sa théorie sur la légitimité du pouvoir insurrectionnel.
Marat, comme bien des journalistes écrivant au jour le jour et surtout soucieux d'une action immédiate, soutint souvent alors, dans L'Ami du peuple, des positions aussi véhémentes que parfois contradictoires, en raison même de l'évolution de la conjoncture politique générale. Il avait en particulier signalé, à plusieurs reprises, le danger des complots des amis de la cour, et certains lui attribuent un rôle important dans la préparation psychologique de l'insurrection du 10 août, bien qu'il n'eût pris aucune part aux délibérations qui organisèrent les modalités de l'action. Son rôle fut, en tout cas, jugé assez utile pour qu'il reçût quatre des presses prises dans les dépendances du Louvre et pût ainsi donner une plus grande diffusion à son journal ; son élection à la Convention, après qu'il eut été désigné comme adjoint au Comité de surveillance de la Commune de Paris, en fit un homme politique important. Il allait se trouver bientôt en butte aux attaques des députés plus modérés, élus principalement en province, qui devaient être par la suite connus sous le nom de Girondins[...]
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Écrit par
- Jean VIDALENC : professeur à l'université de Rouen
Classification
Médias
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