RIOPELLE JEAN-PAUL (1923-2002)
Peintre et sculpteur canadien, Jean-Paul Riopelle est mort, au printemps 2002, à l'âge de soixante-dix-neuf ans dans sa maison de l'Île-aux-Grues, sur le Saint-Laurent, où il avait choisi de se retirer au début des années 1990. Des funérailles nationales ont marqué l'hommage solennel que la ville de Montréal entendait rendre à un artiste canadien célébré dans le monde entier. Au mois de juin de la même année s'ouvrait, au musée des Beaux-Arts, une importante rétrospective de son œuvre où pouvaient se lire les grandes étapes d'un parcours et d'une pratique qui, depuis les premières toiles informelles des années 1940 jusqu'aux grands cycles figuratifs entrepris vingt ans plus tard, n'avaient cessé de célébrer cette nature qui constitue le fondement même de son art. « Pour moi, avait coutume de dire Jean-Paul Riopelle, l'unique référence c'est la nature. La liberté n'existe que là et en même temps la plus forte contrainte. »
Né à Montréal, Jean-Paul Riopelle suit quelques cours à l'Académie des beaux-arts, puis étudie à l'École du meuble où il fréquente l'atelier de Paul-Émile Borduas. Ce dernier, largement influencé par le surréalisme, devait, sous le nom d'Automatistes, regrouper un certain nombre de jeunes artistes dont Riopelle, qui signe avec lui le manifeste Refus global, entendant par là dépasser les schémas traditionnels de la figuration comme de l'abstraction géométrique.
En 1947, Jean-Paul Riopelle participe à Paris, à l'Exposition internationale du surréalisme, à la galerie Maeght et il décide à la fin de l'année suivante de s'installer en France. Sa première exposition personnelle est organisée à la galerie La Dragonne et André Breton, qui écrit la Préface du catalogue, voit dans l'œuvre du jeune Canadien celle « d'un trappeur supérieur ». Dans les grands formats qu'il réalise alors, le peintre revendique l'automatisme et la spontanéité d'un geste large et vigoureux, tendant aux débordements lyriques et expressifs. Utilisant la couleur pure à la sortie du tube, travaillant la matière picturale au couteau en larges empâtements, Jean-Paul Riopelle donne alors à ses œuvres des allures de maçonneries de couleurs juxtaposées dont on a souvent dit qu'elles suggéraient, dans l'enchevêtrement des tracés et vues à vol d'oiseau, les immenses étendues de son paysage natal. « Je n'ai jamais fait un seul tableau abstrait », aimait à répéter le peintre qui donne volontiers à ses œuvres des titres évocateurs comme Chevreuse (1954, Musée national d'art moderne, Paris), Blizzard Sylvestre (1953, Museum of Modern Art, New York) Blue Night (1953, Guggenheim Museum, New York) ou plus souvent le nom des lacs, des rivières et des parcs du Québec. À Paris, Jean-Paul Riopelle retient l'attention de quelques grands critiques, comme Georges Duthuit. Il attire également celle d'un certain nombre de marchands, dont Pierre Matisse à New York, Jacques Dubourg puis Aimé Maeght à Paris, qui assureront sa réputation internationale. Dès lors, il expose régulièrement et participe à toutes les manifestations internationales d'importance.
Dès 1960, l'artiste, qui explore les possibilités offertes par la sculpture, travaille la glaise et la cire avec la même impulsion brutale que la peinture, introduit dans son œuvre des représentations totémiques d'animaux dont le hibou qui, empaillé, règne sur son atelier. Esprit supérieur de la forêt, c'est ce même hibou, de plus en plus identifiable, que l'on voit émerger de la matière picturale, qu'il s'appelle Printanier, Circus, Totem, Carnaval ou Guerrier. De la même manière, Riopelle va introduire, en 1971, dans ses tableaux les Jeux de ficelle, qui sont un hommage au savoir-faire et au langage formel[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
Classification
Autres références
-
CANADA - Arts et culture
- Écrit par Andrée DESAUTELS , Roger DUHAMEL , Marta DVORAK , Encyclopædia Universalis , Juliette GARRIGUES , Constance NAUBERT-RISER et Philip STRATFORD
- 24 894 mots
- 3 médias
...donnent à l'art canadien une place internationale, par l'exploration de voies nouvelles situées entre celles des deux grandes Écoles, Paris et New York. Jean-Paul Riopelle exploite le grand format et la structure all-over de la peinture américaine, en produisant des surfaces où la couleur devient le seul...