PERRIN JEAN (1870-1942)
Né le 30 septembre 1870 à Lille, Jean Perrin était le fils d'un capitaine d'infanterie d'origine modeste qui mourut prématurément en 1880. Après des études à Lyon et au lycée Janson-de-Sailly à Paris, il entra à l'École normale supérieure en 1891. Il y devint préparateur et se lia avec Paul Langevin, avec qui il réalisa en 1895 une expérience historique prouvant la nature corpusculaire des rayons cathodiques : en recueillant un faisceau de ces rayons dans un cylindre de Faraday (enceinte entourée d'un conducteur qui isole l'intérieur des champs électriques extérieurs) relié à un électroscope chargé positivement, ils observèrent la décharge de celui-ci et en déduisirent que les rayons sont les trajectoires de particules matérielles porteuses de charge négative. Le rapport de la masse à la charge de ces atomes d'électricité, ou électrons – comme le physicien irlandais George Stoney les baptisa –, fut mesuré deux ans plus tard par Joseph John Thomson.
Une précoce renommée scientifique lui permit d'être rapidement chargé d'un enseignement de chimie-physique à la Sorbonne. Le modèle planétaire de l'atome qu'il proposa en 1901 fut le précurseur des célèbres modèles développés par Ernest Rutherford et Niels Bohr. Partisan de l'hypothèse atomiste, il réalisa une série d'expériences sur l'équilibre de sédimentation des solutions colloïdales et sur le mouvement brownien et y déploya des trésors d'intuition et de méticulosité. En utilisant les granules microscopiques de gomme-gutte et de mastic comme relais indispensable entre les masses qui sont à notre échelle et les masses moléculaires, il réussit ainsi en 1908 à déterminer le nombre d'Avogadro et donc à estimer tailles et masses atomiques. Il reçut le prix Nobel de physique en 1926 pour ses travaux concernant la structure discontinue de la matière.
Mobilisé en 1914 comme lieutenant d'infanterie, il fut bientôt chargé de recherches intéressant la défense nationale et mit au point un appareil de détection acoustique des avions volant la nuit. Après la guerre, il étudia notamment les phénomènes de fluorescence avec son fils Francis. Il s'intéressa également à l'astrophysique et émit le premier l'hypothèse que l'énergie solaire provient de la fusion de noyaux d'hydrogène en noyaux d'hélium, annonçant les progrès décisifs consacrés quelques années plus tard par la compréhension du cycle de Bethe.
Nommé sous-secrétaire d'État à la Recherche scientifique dans le gouvernement de Front populaire, Perrin participa à la naissance du Centre national de la recherche scientifique. En 1937, il fit adopter l'idée d'un palais de la Découverte, qui survivra à l'Exposition internationale pour laquelle il fut érigé, afin de montrer les découvertes fondamentales qui ont élargi notre intelligence, assuré notre emprise sur la matière ou augmenté notre sécurité physiologique. Il aimait affirmer que l'intérêt pratique le plus pressant du pays était de favoriser la recherche pure, désintéressée, menée pour sa seule valeur intellectuelle et artistique.
Après la débâcle de 1940, il gagne l'Afrique avec ceux qui tentent de poursuivre la lutte. Il revient vivre à Lyon puis rejoint les milieux de la France libre aux États-Unis. Il meurt à New York le 17 avril 1942 ; ses cendres seront ramenées en France puis transférées au Panthéon en 1948, en même temps que celles de Paul Langevin. Son fils, Francis Perrin (1901-1992), sera un brillant physicien nucléaire et collaborera notamment avec Frédéric Joliot-Curie aux premiers travaux sur les réactions en chaîne avant de devenir haut-commissaire du C.E.A. (de 1951 à 1970) et membre de l'Académie des sciences (1953).
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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