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RAMEAU JEAN-PHILIPPE

L'opéra versaillais

Un spectacle enchanteur

La production dramatique de Rameau constitue l'essentiel de son œuvre. Elle offre les exemples les plus achevés des divers genres pratiqués à l'époque : tragédies ou comédies lyriques, opéras-ballets, pastorales héroïques. Tous ces genres ont en commun le faste de la mise en scène, la prépondérance de l'élément chorégraphique et on peut les réunir sous la dénomination d'« opéra versaillais » : spectacle des spectacles, féerie éblouissante à la dimension de Versailles. Déjà du temps de Lully, La Bruyère écrivait : « Il faut des machines aux opéras et le propre de ce spectacle est de tenir les esprits, les yeux et les oreilles dans un égal enchantement. » L'opéra est au départ une commande royale et commémore une victoire, un traité de paix, une naissance ou un mariage illustre. Il est inauguré par le roi à Versailles, avant d'être livré au public de la ville. D'où les imposants prologues célébrant la gloire du souverain, le plus souvent assimilé à un dieu de l'Olympe. Il faut admettre cette convention : ces prologues, développés aux dimensions d'un acte, sont déjà une fête, une apothéose, qui mettent l'auditeur « en condition » pour la suite du spectacle.

On peut distinguer l'opéra-ballet de la tragédie lyrique. Le meilleur commentateur du théâtre musical de Rameau, Paul-Marie Masson, donne une bonne définition de l'opéra-ballet : « C'est une sorte d'opéra où la danse et les airs chantés prédominent et qui comporte, réunis sous un même titre, non plus une seule action comme dans la tragédie lyrique, mais autant de sujets différents qu'il y a d'actes dans la pièce [...] Chaque acte est un petit opéra dont l'action est extrêmement réduite, où le sujet galant n'est qu'un prétexte à la danse. » Le goût du public français pour les ballets était resté très vif depuis Le Ballet comique de la reine (1582), ancêtre des ballets de cour, et on ne concevait point de spectacle lyrique sans danse. Ainsi, dans l'opéra-ballet, le divertissement amenait l'action, tandis que dans la tragédie lyrique l'action amenait le divertissement. Mais partout la danse était présente.

Toutes les œuvres lyriques de Rameau offrent des caractères communs : les livrets sont généralement médiocres, textes conventionnels, sujets le plus souvent mythologiques, faisant appel à un merveilleux naïf nécessitant une machinerie compliquée. On peut sourire aujourd'hui de ces divinités descendant des cintres du théâtre, ou de ces monstres affreux surgissant des flots. Chez Racine, ces scènes fantastiques étaient narrées par Théramène ou l'un de ses émules ; à l'opéra, il était normal de montrer à un public exigeant les sortilèges les plus extravagants. Au moins ces scènes étaient-elles l'occasion pour le musicien d'écrire des pages descriptives et mouvementées. La musique, par sa qualité, faisait passer sur les invraisemblances comme sur la platitude des vers.

L'élément musical

Du point de vue strictement musical, trois éléments sont à considérer : les récits, les airs et les « simphonies ».

Le récitatif français, à la différence du recitativo italien, est chantant. C'est à lui qu'est confiée l'action dramatique, il supporte les dialogues essentiels et acquiert de ce fait un tour pathétique, voire passionné. Le récitatif de Rameau est très expressif : accompagné tantôt par le clavecin, tantôt par l'orchestre, il rejoint souvent l'«   air », si bien qu'on passe insensiblement du récit à l'air et vice versa.

Les airs se distinguent des airs italiens (proches par leur structure du style instrumental) en ce que la musique y épouse le plus fidèlement possible le rythme du discours. « L'intérêt musical,[...]

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Jean-Philippe Rameau - crédits : De Agostini/ Alfredo Dagli Orti/ Getty Images

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