TOUSSAINT JEAN-PHILIPPE (1957- )

Jean-Philippe Toussaint est né à Bruxelles le 29 novembre 1957. Publiés aux éditions de Minuit après la période du « nouveau roman », ses propres romans en conservent la lucidité formelle, quoique dans un registre plus léger. Comme Jean Echenoz, dont on l'a souvent rapproché, Toussaint se joue des conventions littéraires plutôt qu'il ne s'y oppose. Son œuvre, qui se tourne aussi vers le cinéma, renoue avec un plaisir narratif plus délibéré.

Une narration minimaliste

Théorème de Pythagore en exergue, son premier roman, La Salle de bain (1985), affiche une précision toute géométrique. Mais c'est à la manière de Georges Perec : ce livre dépressif et jubilatoire installe son narrateur dans une salle de bains où il « coule des heures agréables ». On pense à L'Homme qui dort, au Bartlebyde Melville, mais aussi à Pascal, dont le narrateur lit les Pensées en anglais : tout le malheur des hommes ne viendrait-il pas de ne savoir pas demeurer au repos... dans une salle de bains ? Monsieur (1986) poursuit dans la même veine, mais à la troisième personne, cette variation sur un type littéraire qui fait écho à Monsieur Teste de Paul Valéry ou au Palomar d'Italo Calvino. L'insignifiance d'histoires réduites à de simples anecdotes, la narration brève et fragmentée moquent dans une langue soutenue une tradition littéraire avide de drames moins dérisoires, ce qui vaut à l'auteur l'étiquette de « minimaliste ». Lui-même préfère parler de narration infinitésimale.

L'Appareil photo (1989) porte à son comble cette dérision du roman en offrant dès l'incipit un récit aussi drôle que déceptif : celui d'un personnage inadapté au monde, dont l'esprit vagabond déploie toutes sortes de virtuosités linguistiques et d'aphorismes humoristiques dans les lieux et les situations les plus incongrus. Ces savantes variations de registres et de tons, l'inadéquation systématique du style à l'objet traité inciteront Jérôme Lindon, leur éditeur commun, à renouveler l'opération du « nouveau roman » en réunissant Toussaint, Echenoz, Patrick Deville et Christian Oster dans une publicité pour les « romanciers impassibles ». Mais aucun d'eux ne souscrit véritablement à cette formule.

Les années 1990 voient l'œuvre se chercher de nouveaux espaces. Cinématographiques d'abord, puisque, après avoir lui-même adapté Monsieur (1989), Toussaint tourne La Sévillane (1992, d'après L'Appareil photo) et réalise une comédie burlesque toute en nuances, indépendante de sa production littéraire : La Patinoire (1999). Sur le plan romanesque, La Réticence (1991) s'essaie à un enlisement du récit que n'aurait pas désavoué Robbe-Grillet, avec la volonté sous-jacente de casser une certaine aisance que cependant l'auteur retrouve, décuplée, dans La Télévision (1997). Ce petit chef-d'œuvre de drôlerie peaufine la figure du narrateur velléitaire, campé cette fois en chercheur qui n'écrit pas l'essai promis sur le Titien et se trouve embarrassé de la plante verte que des voisins lui ont confiée. En 2000, le recueil Autoportrait (à l'étranger) marque le passage d'une littérature du banal et de l'insignifiance, souvent désinvolte, à une autre, moins abstraite et plus volontiers narrative, ouverte à divers espaces géographiques, notamment Japon, où l'œuvre de Toussaint connaît un remarquable succès.